Mêlant allègrement histoire savante et culture populaire, Rick Miller propose une (ré)vision à la fois instructive et ludique de l'histoire de celui que la chrétienté désigne comme le fils de Dieu. Le comédien vu dans Lipsynch de Robert Lepage met cartes sur table dès le début du spectacle: il a été élevé dans la foi catholique, il a été marqué par liturgie chrétienne, mais ne croit pas un instant à ce Jésus né d'une mère vierge et ressuscité d'entre les morts.

Que fait-il là, sur scène, à parler d'un culte auquel il n'adhère pas? Il veut proposer une lecture «rationnelle» du mythe du Christ et en dénoncer l'instrumentalisation, hier comme aujourd'hui. Bigger Than Jesus se sert ainsi de recettes éprouvées, c'est-à-dire l'arc dramatique de la vie du Christ et le rituel de la messe, pour s'en moquer un peu, mais aussi pour rappeler certaines des valeurs humanistes prêchées par «le fils de Dieu».

Rick Miller et le metteur en scène Daniel Brooks font preuve d'une extraordinaire ingéniosité dans ce spectacle qui est pourtant d'une grande simplicité. L'espace dépouillé est exploité et démultiplié de brillante manière par l'usage d'une caméra et d'un minimum d'accessoires. Le spectacle, qui commence comme un cours sur l'histoire des Évangiles, transporte en effet l'assistance dans un vol vers Jérusalem et même dans le climat parfois aride de la capitale que se disputent Juifs et Palestiniens.

Amalgames

Bigger Than Jesus trouve sa pertinence théâtrale dans de multiples amalgames entre culture populaire et fragments de rites chrétiens. Ici, le ton des prêcheurs évangéliques est associé à la musique populaire. Là, des éléments de BD et les Beatles servent à illustrer les différences entre les récits des évangélistes Marc, Matthieu, Paul et John, des auteurs qui, selon toute vraisemblance, n'ont pas connu ce Jésus dont ils parlent de manière si intime.

La scène la plus hilarante du spectacle est toutefois cette reconstitution de la Cène, faite à l'aide de figurines empruntées à Star Wars, au Magicien d'Oz et au dessin animé The Simpsons. On verse alors dans le théâtre d'objets particulièrement inspiré. Le rire détrône-t-il la réflexion? Par moments, oui. Mais le ton sert aussi parfaitement le propos du spectacle, qui cherche à déboulonner un mythe.

En mêlant continuellement l'histoire du Christ à une foule d'icônes ou de mode de divertissement de masse, Bigger Than Jesus cherche à replacer Jésus dans le monde auquel il appartient: celui de la fiction. «Le monde serait un bien meilleur endroit si les gens considéraient les textes religieux comme des oeuvres inspirées... de littérature», dit d'ailleurs le comédien. En 2012, alors que la religion continue de jouer un rôle important - et souvent funeste - dans les relations entre les peuples et les États, on acquiesce facilement.

Jusqu'au 24 avril à la salle Fred-Barry.