Avec la tournée de J'aime Hydro et celle de Bilan, Christine Beaulieu savait que 2019 serait la plus grosse année de sa carrière théâtrale. Par contre, la populaire comédienne n'aurait jamais soupçonné que sa pièce lui ouvrirait les portes du Festival d'Avignon (en juillet) et lui permettrait de dialoguer en tête à tête avec le premier ministre du Québec. Retour sur cette rencontre au sommet et sur le succès de J'aime Hydro!

Et puis, est-ce que le courant a passé entre François Legault et Christine Beaulieu?

Oui, il y a vraiment eu un dialogue entre nous deux. Nous sommes sortis très heureux de notre entretien d'une heure. J'ai moi-même fait les démarches pour rencontrer le premier ministre, parce qu'en matière d'hydroélectricité, nos opinions divergent énormément. Je crois qu'il faut mettre fin aux projets. Il a une approche d'homme d'affaires avec l'idée de vendre de l'électricité aux États américains voisins. Entre autres.

L'avez-vous fait changer d'idée? 

Non, mais j'ai pu lui exprimer mes craintes. Je lui ai dit pourquoi je pense qu'on doit faire le deuil de nos chantiers électriques au Québec, et faire plutôt un maximum d'économie d'énergie, écouler nos surplus avant de construire de nouveaux projets. L'avenir nous dira qui a raison. Mais j'ai senti son écoute, son ouverture. La vérité est probablement quelque part entre nos deux positions...

Depuis sa création en 2016, votre pièce - et votre réflexion sur le sujet - évolue sans cesse. L'ouverture aux autres est à la base de la démarche du théâtre documentaire? 

En effet, avec Annabel Soutar [la directrice de la compagnie Porte Parole], on ne cherche pas à savoir qui a tort et qui a raison. Le but est de se parler entre citoyens de groupes et de partis opposés, pour essayer d'éviter la polarisation et les querelles stériles autour d'enjeux cruciaux pour l'avenir du Québec. Et de la planète.

Puisque J'aime Hydro est une oeuvre en évolution - un work in progress -, verra-t-on le résultat de cet entretien intégré dans la pièce?

Je suis en répétition avec le metteur en scène Philippe Cyr afin de modifier des choses. On pense ajouter une [nouvelle] fin au spectacle avec la voix de M. Legault, à partir de l'enregistrement fait lundi dernier. C'est l'aboutissement ultime. Je n'aurais jamais cru qu'un jour, l'épilogue du spectacle mettrait en scène le premier ministre d'un nouveau gouvernement. C'est comme la cerise sur le sundae!

Monsieur Legault a-t-il vu J'aime Hydro?

Non, pas encore. On l'a déjà invité et on va l'inviter à nouveau, quand je vais jouer dans son comté à L'Assomption (le 5 avril). Je sais qu'il aime le théâtre. Il est venu voir les comédiens dans les loges au TNM, après la première de Bilan de Marcel Dubé. 

Craignez-vous une forme de récupération politique par la CAQ? Hier, ses conseillers politiques se sont empressés de diffuser sa photo avec vous sur les réseaux sociaux...

Je ne me sens pas utilisée. Ça ne me dérange pas si son bureau diffuse des photos de notre rencontre. C'est arrivé. Et c'est rare qu'un premier ministre ouvre la porte de son bureau pour discuter avec une fille qui fait du théâtre. Je pense que c'est aussi ça, la force du théâtre : créer un forum où les citoyens sont rassemblés et peuvent réfléchir à des enjeux de société bien concrets.

Parmi tous les gens interviewés dans J'aime Hydro (d'Éric Martel à Alexandre Taillefer, en passant par des représentants des Premières Nations), M. Legault sera-t-il celui qui aura le plus d'impact?

Je ne peux répondre à ça. Et je ne le sais pas encore. Toutefois, toutes les autres rencontres ont été faites durant le processus de création. Ici, M. Legault a rencontré une comédienne/citoyenne qui s'est exprimée publiquement sur la question. Plus qu'un entretien, nous avons eu un débat de société intéressant, fascinant. À la fin, je lui ai donné le kit du parfait voyageur écolo pour ses déplacements. J'espère qu'il va donner l'exemple aux Québécois et utiliser sa tasse de café recyclable [rires]. 

Avec cette production, la comédienne est devenue une citoyenne engagée qui donne des conférences sur le réseau électrique dans les universités. Ça change pas le monde, sauf que...

C'est nouveau dans ma vie. Je n'aurais jamais pensé écrire une pièce et devenir une sorte de spécialiste en énergie. Fort heureusement, le sujet me passionne. Ce n'est pas un effort de lire le rapport annuel d'Hydro-Québec. Après J'aime Hydro, je vais continuer à lire et à me tenir au courant des questions énergétiques dans le monde.

On pourra entendre M. Legault et voir sur scène les premiers échos de votre rencontre le 19 février, à Trois-Rivières. Vous serez en tournée un peu partout au Québec jusqu'en octobre. Et après, ça continue?

Oui, on pense à ça. On est en train de finaliser le montage financier pour présenter J'aime Hydro au Festival d'Avignon, en juillet prochain. On est aussi en train de bâtir une tournée pour la France, la Belgique, l'Europe. Comme Porte Parole est une compagnie bilingue, on souhaite aussi faire une version en anglais de la pièce.

J'aime Hydro, un succès électrisant! 

Printemps 2015

Première version présentée à la Petite Licorne, dans le cadre du OFFTA.

Juin 2016

Création des trois premiers épisodes de J'aime Hydro au Centre du Théâtre d'Aujourd'hui, dans le cadre du Festival TransAmériques (FTA), puis reprise à La Licorne à l'automne.

Avril 2017

Présentation intégrale des épisodes 1 à 5 à l'Usine C à Montréal. Et tournée.

Novembre-décembre 2017

J'aime Hydro est sacré Meilleur spectacle de l'année-Montréal, 2016-2017 par l'Association québécoise des critiques de théâtre. Christine Beaulieu remporte le prix Michel-Tremblay pour le meilleur texte (2016-2017). J'aime Hydro est aussi finaliste pour le Grand Prix du Conseil des arts de Montréal.

Décembre 2018

Plus de 50 représentations à guichets fermés, et plus de 20 000 spectateurs ont vu J'aime Hydro en 2017-2018 dans une douzaine de villes au Québec. Et la diffusion audio en direct du spectacle sur le site web de Porte Parole a été écoutée par 3500 auditeurs.

Février 2019

En tournée un peu partout au Québec jusqu'en octobre.