Fascinante soirée à la salle Wilfrid-Pelletier de la Place des Arts, vendredi dernier. Ce n'est pas tous les jours qu'un poète attire des milliers d'auditeurs, qui l'accueillent comme une rock star.

Qui plus est, le Parisien Fabien Marsaud, alias Grand Corps Malade, parvient à rejoindre des spectateurs de toutes les générations, comme nous avons pu le constater.

 

L'année dernière, Marsaud avait récité ses textes au Théâtre Maisonneuve, à l'invitation des FrancoFolies, devant un public qui découvrait alors Midi 20, son premier disque de poèmes illustrés par des arrangements musicaux effacés. Enfant de la ville, son nouvel album, accorde une plus grande place aux musiciens, rapprochant sa démarche de celle des cousins rappeurs.

La pièce-titre de ce nouvel album, qu'il a proposée en ouverture, révèle bien les racines urbaines de son art. Le jeu de l'excellent percussionniste suggère une rythmique hip-hop, sur laquelle se pose, très précisément dans le rythme, la voix grave, presque hypnotique, de Marsaud. «Vendredi soir à Montréal...», commence-t-il, dissimulé dans l'ombre, au fond de la scène.

Le bassiste s'invite, le morceau prend un air de funk, le pianiste et le guitariste accompagnent le poète-rappeur. Pendant plus d'une heure et demie, Grand Corps Malade a puisé dans son carnet ses plus beaux textes, interprétés avec cette tranquille passion qui l'anime, déclinant le verbe avec ou sans accompagnements, et lorsque les musiciens le secondaient, moulant sa prosodie aux subtiles mélodies de ce qui devenait alors une chanson plus qu'un poème.

Ses disques sont jolis, ses textes souvent touchants - Les voyages en train, Comme une évidence et Ma tête, mon coeur (au rappel) - semblent particulièrement appréciés des fans, mais c'est véritablement sur scène que le travail de Grand Corps Malade prend tout son sens. Lui qui parle, qui dit les choses avec une candeur et une grandeur d'âme qui ne laissent personne indifférent. Et dans la salle, une qualité d'écoute remarquable.

Plus encore, Grand Corps Malade est d'une attachante transparence. Son univers a beau être «à six milles bornes» de chez nous, Marsaud parvient à nous y transporter, jouant le guide dans son Seine-Saint-Denis, sa vie personnelle... et même dans notre propre cour.

L'artiste a eu deux belles attentions à notre égard. D'abord, vers la fin du concert, il a invité une jeune poète bien en vue sur la scène slam montréalaise, Queen K - armée d'un percutant texte sur le thème de l'identité ethnique et culturelle vécue de l'intérieur. Puis, au rappel, le Français a offert un texte inspiré par ses voyages chez nous. Simplement intitulé À Montréal, Grand Corps Malade joue avec humour et tendresse des clichés québécois avant de confier s'y sentir un peu comme chez lui.

Tant mieux! Grand Corps Malade peut revenir à sa guise, avec l'assurance qu'il y sera encore bien accueilli.