Tina Turner ne m'avait pas convaincu d'emblée lors de son apparition remarquée à la remise des Grammys, l'hiver dernier. Elle arpentait la scène d'un bon pas, mais sa voix paraissait affaiblie. Puis, elle a repris du tonus, comme fouettée par la fougue de Beyoncé, qui roulait des hanches à ses côtés. Tina Turner n'a pas eu le dessus sur la jeune star, mais elle n'avait pas l'air d'une chanteuse d'une autre âge lorsqu'elle a entonné Proud Mary à la fin du numéro.

Pendant que les chefs d'antenne dévoilaient les résultats des élections, la première dame du rock'n roll effectuait son retour sur scène à Montréal. Un peu moins de 15 000 fans s'étaient rassemblés pour la voir au Centre Bell où elle sera aussi demain. Tina Turner a maintenant 69 ans. Elle n'est plus la danseuse la plus flexible de la troupe, mais elle est dans une forme splendide. Sa voix puissante, son énergie brute, son humour plein de sous-entendus, elle a encore tous ses atouts bien en main.Dire qu'elle a offert un bon spectacle pour une chanteuse de son âge serait déplacé. Et loin de la vérité. Quinze minutes après l'entrée en scène de Tina Turner, juchée une plateforme élevée à une vingtaine de pieds au-dessus des planches, son âge n'avait déjà plus d'importance. Steamy Windows, un bon rock trempé dans l'humidité des bayous servi en ouverture, a secoué l'amphithéâtre. Après Typical Male, ordinaire même si elle a suscité une première ovation, elle a atteint un premier sommet dès sa troisième chanson, la mythique River Deep, Moutain High, livrée avec toute la passion que la chanson exige.

Tina Turner a confirmé d'emblée ce que tout le monde savait: elle remontait sur scène pour interpréter ses chansons les plus marquantes. Pendant les deux heures que dure le spectacle, auxquelles il faut ajouter un entracte d'environ 30 minutes, elle les a toutes faites, qu'elle datent du temps du Ike & Tina Turner Revue ou de sa profitable carrière solo.

Confiante en la profondeur de son répertoire, elle a même interprété ses trois plus grands succès des années 80 au cours de la première partie: What's Love Got to Do With It, Private Dancer et We Don't Need Another Hero. Tina Turner a interprété la troisième en revêtant un costume et une horrible coiffe blonde dans l'esprit du film, ce qui n'était ni de bon goût ni une très bonne idée. Toute cette mise en scène ne faisait marquer que la distance qui nous sépare du milieu des années 1980, alors que l'essentiel du répertoire transcendait les époques. Même GoldenEye, pourtant associée à un autre film à succès, et qui a donné lieu à l'un de numéros de production les plus réussis de la soirée.

Tina Turner a bien sûr soulevé la foule avec The Best. Ce qu'on retient de sa prestation c'est qu'elle a encore la force et l'âme nécessaire pour mettre du soul et du blues dans son rock. Ainsi, on ne serait pas passé de Proud Mary, interprétée en clôture, avant le rappel, ni de l'excellent segment «acoustique» au cours duquel elle a livré Let's Stay Together et Undercover Agent For the Blues.

____________________________________________________________________________

Tina Turner se produit aussi demain, 20 h, au Centre Bell.