C'est la plus importante tournée hip-hop de passage à Montréal depuis le concert de Kanye West au même Centre Bell, en mai dernier. Lil Wayne, l'artiste qui a vendu le plus d'albums en 2008 aux États-Unis, traîne ses chaînes, ses gros baskets et son flow inimitable dans l'aréna montréalais ce mercredi, accompagné de T-Pain, Keyshia Cole, Gym Class Heroes et Keri Hilson. Rappel de l'ascension du phénomène.

On le surnomme Weezy. Pour sa maman, c'est Dwayne Michael Carter Junior. Sur disque et sur scène, le rappeur aime se donner d'autres surnoms: l'extraterrestre, la tarentule ou encore, plus modestement, le «Best Rapper Alive». À ce titre, les chiffres et sa réputation en béton semblent lui donner raison.

 

Le poulain du label Cash Money Records est l'artiste ayant vendu le plus d'albums aux États-Unis l'année dernière, tous genres musicaux confondus. Plus de trois millions d'exemplaires de Tha Carter III - duquel on a extrait les bombes A Milli et Lollipop - ont été écoulés, soit un demi-million de plus que le précédent Tha Carter II, paru en 2005. Son reconnaissant patron Bryan Williams (un ami d'enfance, propriétaire de Cash Money Records) lui a d'ailleurs offert une valise contenant un million de dollars en espèces pour son 26e anniversaire, le 27 septembre dernier. Plus «bling» que ça, on vous offre votre poids en diamants.

Bien qu'on attende avec intérêt les nouveaux albums de Eminem, 50 Cent et Dr.Dre, le son de ces bonzes du rap américain est devenu obsolète avec l'émergence des scènes rap du Sud, celles de Miami, Atlanta, Bay Area/Oakland et de la Louisiane, d'où est issu Lil Wayne et son escadron de producteurs-réalisateurs.

Or, c'est le chemin parcouru ces dernières années par ce jeune rappeur de La Nouvelle-Orléans qui fascine le plus. Il se mesure mieux en écoutant successivement Tha Block is Hot, paru en 1999 à l'âge de 17 ans, et du multimillionnaire Tha Carter III.

Même en replongeant dans 500 Degreez, son troisième album solo (2002), on s'étonne d'entendre ce qui semble être un tout autre rappeur. La voix est aussi nasillarde et baveuse aujourd'hui qu'il y a six ou sept ans. C'est la prosodie qui a changé.

À l'origine carrée, cadencée par le rythme comme une marche militaire, sa voix s'est libérée dès Tha Carter (2004), respectant sa propre mesure, trouvant un ton, mielleux ou fielleux, certainement plus coulant, un trait que d'aucuns ont expliqué par la propension du rappeur à abuser du «sirup», ces mixtures de boissons gazeuses et sirop pour la toux qui assomment, littéralement, celui qui en abuse. Ainsi s'est créé ce personnage populaire, avec une voix unique, un style de rap qui doit autant à la manière qu'à son habileté à improviser - ses mixtapes de l'époque des albums Carter demeurent des classiques du genre.

Ainsi, Lil Wayne a le grand mérite d'avoir su se réinventer, d'avoir tellement transformé sa manière de rapper qu'il s'est trouvé une voix, unique, qui aujourd'hui se démarque de celles de ses concurrents. Son succès en a fait l'un des collaborateurs les plus demandés de la planète rap: l'année dernière seulement, Lil Wayne est apparu sur une vingtaine de chansons et remixes officiels, pour Usher, Kanye West, Cassie, T-Pain, The Game, David Banner et plein d'autres.

L'année 2009 promet d'être chargée pour Weezy - par ailleurs un grand fan de Nirvana, a-t-il récemment révélé. Un album en duo avec T-Pain serait dans les cartons, en plus d'une éventuelle suite à la série Tha Carter. Il promet aussi de briller lors de la prochaine soirée des Grammys, étant déjà l'artiste le plus souvent mis en nomination (huit fois).

Enfin, on verra si ses prédictions sont bonnes: fan de football américain, blogueur et chroniqueur invité pour la chaîne ESPN, il a prédit que le Super Bowl serait remporté par les Ravens de Baltimore, qui auraient le dessus sur les Eagles de Philadelphie!

Lil Wayne, en spectacle le 14 janvier au Centre Bell. Avec T-Pain, Keyshia Cole, Gym Class Heroes et Keri Hilson.

 

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La faute à T-Pain

Haut-de-forme, lunettes fumées larges comme un pare-brise, nattes négligées, le rappeur T-Pain a un look unique. À la radio toutefois, un seul signe distinctif: sa voix filtrée par l'Auto-tune, ce logiciel qui transforme la voix en la posant sur la bonne note. T-Pain, qui assure la première partie de Lil Wayne mercredi au Centre Bell, vient promouvoir son plus récent album, Thr33 Ringz, paru sur le label d'Akon, Konvict Muzik. Le recours à l'Auto-tune n'est pas nouveau. Cher s'en est même servie pour sa chanson Believe. Mais T-Pain l'a remis au goût du jour, et nombre de ses chansons ou collaborations se sont hissées dans les palmarès pop. Ainsi, le chanteur r&b sonne à l'occasion comme un robot, force de curieuses inflexions dans sa voix ce qui, visiblement, plaît au public.