Déjà février, mais serait-il trop tôt pour parler du retour de l'année 2009? En tout cas, Louise Forestier nous a donné vendredi soir plein de bonnes raisons pour qu'on ne l'oublie pas à l'heure des bilans. Le concert qu'elle a donné, entourée des jeunes musiciens du groupe El Motor, a plus que rendu hommage à sa folie légendaire: ce concert a rendu la chanteuse de nouveau pertinente.

Il y a quelques mois seulement, Forestier a lancé Éphémère, un album aussi surprenant qu'inespéré de la part de cette artiste qui, après avoir contribué à définir la contre-culture québécoise à la fin des années 60, semblait ensuite avoir levé le pied de la pédale progressiste - d'un point de vue strictement musical, s'entend.

 

Le passage difficile (pour toute la tribu musicale) des années 80, puis la chanson jazzée et intimiste de la fin des années 90 (avec son complice et directeur musical Jean-François Groulx), quoique joliment faite, avaient semblé mettre le dernier clou dans le cercueil de la «flyée» qu'elle n'a pourtant jamais cessé d'être. Un trait que son album Lumières, en 2003, constitué de réinterprétations modernes de ses succès avait tant bien que mal essayé de rappeler.

Or, c'était sans compter sur son propre fils, le multi-instrumentiste Alexis Dufresne, et ses confrères du groupe El Motor, dont certains ont été invités à participer à l'excellent Éphémère. Ils ont rallumé la flamme de Louise Forestier, dont la plume resplendit à nouveau. Tous ont répondu à l'appel de la scène, et ce fut la rédemption, vraiment.

«Ne touchez pas à mon piano...», a-t-elle d'abord chanté (La Saisie) en lever de rideau, sur une scène décorée d'arbres sans feuilles - très beau, mais aussi trop solennel, c'était presque un décor de cimetière alors que c'est à une renaissance que nous assistions. Les jeunots d'El Motor l'ayant rejointe, ils se sont ensuite lancés dans Pas d'chocker, pas d'collier, composition du récent album.

Les plus vieux ont retrouvé intacte la Louise Forestier de leurs souvenirs (dont la voix n'a pas changé): audacieuse, droite, complice et touchante. Les plus jeunes, eux, ont découvert ce qu'elle aurait dû être durant toute sa carrière, une musicienne curieuse, prête à oser, à aller un peu plus loin que ses consoeurs.

Les mélomanes avertis le savent, El Motor peut piocher un rock assez énergique dans la folie du moment. Ils ont pourtant suivi le rythme de Forestier, un juste dosage de passages intimistes (Seul(e) de ta gang, Y avait-il quelqu'un?, Pourquoi, chanté au rappel) et de chansons plus dégourdies.

Presque tout Éphémère y est passé. Tant mieux. Sur scène, ces chansons décollent admirablement, portées par la verve de la chanteuse et le talent incontestable des instrumentistes, de jeunes allumés dont les oreilles sont grandes ouvertes aux tendances rock modernes. Cela rend les reprises de classiques encore plus intéressantes: ensemble, ils ont donné tout un coup de plumeau à La marche du président et à Lindbergh, deux relectures absolument enlevantes!

Peut-être qu'Éphémère et sa version scénique ne seront qu'une belle et courte aventure dans la riche carrière de Louise Forestier. Mais qu'importe, puisque l'aventure nous aura permis de renouer avec ce personnage si attachant, honnête et passionné qu'est la chanteuse Forestier. On lui souhaite que ce concert ait une longue vie, ne serait-ce que pour rappeler que l'audace et l'imagination n'ont pas d'âge.