Avec Welcome to Nowhere (Bullet Hole Road) la compagnie new-yorkaise Temporary Distorsion convoque le road-movie dans un espace original. Les six acteurs sont prisonniers de boîtes en plexiglas, parlent au moyen de microphones tandis qu'est projeté au-dessus d'eux le film, le road-movie dont ils sont les héros.

«Sur scène, le travail est très formel, tous les acteurs regardent le public, ils ne se regardent pas, n'interagissent pas: ils se parlent, ont des conversations, mais ils ne font jamais quelque chose l'un par rapport à l'autre», explique le metteur en scène dramaturge et fondateur de Temporary Distorsion, Kenneth Collins.

 

«Toute la genèse du show, ce sont les road-movies américains et leurs stéréotypes. Il y a toujours deux schémas: celui dans lequel le héros fuit un crime, ou est hors la loi. Et l'homme sur la route, en quête de quelque chose. Nous avons combiné les deux», poursuit-il.

Sur la scène de l'Usine C, le jeune new-yorkais nous montre les dessous de la boîte: ici, des miroirs rappelant ceux des camions; là, des peaux de lapin et des crânes d'animaux; et un arsenal d'interrupteurs mis à la disposition des comédiens, statiques derrière les vitres. Couronnant l'installation, un panneau de bois sert de toile de projection au film.

«L'imagerie vidéo est provocante: il y a le motel de la route, le paysage, le désert. Il y a plein de petites choses, de petites touches, qui rappellent ce monde des road-movies - beaucoup de choses évoquent ce monde», explique Kenneth Collins, qui avoue avoir toujours été indifférent au genre.

«Je me suis intéressé aux road-movies parce que je n'y connaissais absolument rien. Cette méconnaissance me donne du matériel ensuite pour travailler. J'ai beaucoup lu et vu beaucoup de films. Avant Welcome to Nowhere (Bullet Hole Road), je n'avais même jamais vu Easy Rider», s'amuse Kenneth Collins.

L'aversion est l'un des moteurs de création pour le dramaturge: sa prochaine création, Americana Kamikaze, s'inspire des films d'arts martiaux japonais. «La moitié des comédiens sont japonais, et c'est encore inspiré d'un genre de films que j'exècre», dit-il.

Son autre grande source d'inspiration, c'est la boîte: c'est elle qui détermine le contenu de la pièce, c'est autour d'elle que se construit la scénographie, l'éclairage. «Je commence tous mes projets avec le design de la boîte», rappelle Kenneth Collins.

Depuis la naissance de Temporary Distorsion, en 2002, Kenneth Collins explore les limites les possibilités des boîtes. «En 2004, pour Contingent, c'était très minimaliste, compact. Le comédien n'avait de place que pour lui-même. Quelques boîtes sont parfois aussi petites que celles-là, et d'autres fois aussi grandes que pour Welcome to Nowhere», dit-il.

C'est son attrait pour la sculpture minimaliste qui a amené Kenneth Collins à créer ses propres pièces. «C'est intéressant pour les acteurs, plus tu enlèves des options, plus tu ouvres de nouvelles possibilités de choses qu'ils n'auraient jamais songé à faire», estime-t-il.

____________________________________________________________________________________

Welcome to Nowhere est présenté ce soir, demain et samedi à l'Usine C dans le cadre du festival Temps d'images. Renseignements: www.usine-c.com