Humant sans doute l'odeur du printemps, Dumas est sorti de sa tanière samedi soir, le temps de donner dans un Métropolis agité un spectacle dont il faudra absolument se souvenir au moment des bilans de fin d'année. C'était bon à ce point.

Au trio infernal qui l'accompagnait dans sa tournée Fixer le temps il y a deux ans (le guitariste Jocelyn Tellier, le bassiste François Plante et le batteur Marc-André Larocque), il a greffé un claviériste (Denis Faucher), un deuxième batteur (l'homme à tout faire Carl Bastien), deux choristes (Valérie Jodoin-Keaton et Annie France Couture) et trois cuivres (Pierre-Luc Labelle à la trompette, Frédé Simard au saxo ténor et François Glidden au saxo baryton). Pas mal pour un spectacle présenté une fois seulement à Montréal et que Dumas a décrit comme le pendant scénique de son laboratoire en studio, qui nous a valu deux albums (Nord et Rouge) en deux mois et des poussières.

Samedi, laboratoire ne rimait surtout pas avec ébauche ou brouillon. Mais il y avait certainement quelque chose d'inusité dans la proposition de Dumas. Le chanteur nous a servi pas moins de 14 nouvelles chansons extraites de Nord et Rouge sur les 15 jouées avant le rappel. Seule Nébuleuse, de l'album Fixer le temps, a trouvé sa place dans le nouveau répertoire, mais en version énergisée qui commençait dans le tapis avec un riff à la You Really Got Me des Kinks! Combien d'autres artistes québécois, à l'exception de Pierre Lapointe et son Mutantès, ont autant d'audace?

Que Dumas ait réussi à capter l'attention de ce public qui avait des fourmis par tout le corps - même si, à l'arrière du parterre, le ton des conversations a monté pendant les ballades comme Combat ordinaire - prouve que ce public-là avait hâte de renouer avec Dumas, que ses chansons «de laboratoire» sont solides et, on le savait déjà, que tout le répertoire de Dumas acquiert une vitalité nouvelle au contact de la scène.

Si cette musique possède une énergie rare, il faut en remercier ce groupe de musiciens étonnamment soudé qui n'avait pourtant donné que trois spectacles à Québec les jours précédents. Et quand le tempo ralentit, le talent de mélodiste de Dumas ressort davantage, ce qui lui permet notamment de lancer le long rappel avec la trifecta gagnante de l'album Le cours des jours - J'erre, Je ne sais pas et Linoléum -, trois chansons douces que les fans sont trop heureux de chanter à l'unisson. Parlant de voix, celle de Dumas, que l'on sent fragile dans les basses, est vraiment convaincante en spectacle, où il la pousse comme il ne le fait pas sur disque, même sur des choses récentes comme Lentement la nuit, Lino Ventura ou Rouge...

Je m'en voudrais de ne pas souligner l'apport des cuivres, que Dumas a ajoutés récemment en studio et qui, le temps d'une demi-douzaine de chansons, nous ont donné le goût de voir l'artiste pousser plus loin dans cette direction. Le jeu free de Glidden, Simard et Labelle a fait de la toute nouvelle Jaune Soleil un des moments forts de cette soirée et ils ont injecté une formidable dose d'adrénaline à Alors Alors, en rappel.

Après deux heures d'une musique intense et inspirée, Dumas a bouclé la boucle en jouant une quinzième chanson récente, Passer à l'ouest. Puis il s'est éclipsé, manifestement ravi que sa proposition audacieuse ait trouvé un public aussi enthousiaste.

On nous dit que Dumas va encore aller se terrer en studio pour produire davantage. Espérons qu'il ne nous fera pas patienter trop longtemps avant de remonter sur scène et que, quand il reviendra, il sera encore entouré de cette belle armée de musiciens qui lui ouvre des portes sur l'avenir.

Jason Bajada, qui a accepté à la dernière minute de chanter en début de soirée, n'a pas eu droit à la même qualité d'écoute. Seul avec sa guitare acoustique, son harmonica et ses chansons dépouillées, il était sans défense face à ce public qui n'en avait que pour Dumas. Bajada l'a compris et, juste avant de sortir de scène, il s'est mis à fredonner une chanson du chouchou de la soirée, Je ne sais pas. Payant.