À l'annonce de la création de Sherazade, la nouvelle comédie musicale de Félix Gray dont la première mondiale se tenait hier soir à l'Olympia de Montréal, les vrais amateurs de «Musicals» avaient trois souhaits: que ce soit bon, que ce soit beau, qu'il y ait un livret. Eh bien, nos trois souhaits sont exaucés. À croire que le génie de la lampe d'Aladin existe!

Oui, c'est bon, Sherazade. Pas parfait, pas encore tout à fait rodé et il y a bien deux, trois numéros un peu trop sirupeux - mais si peu. Car Sherazade est bel et bien un divertissement populaire de très grande qualité, avec une histoire qu'on peut suivre facilement, des décors ingénieux, des arrangements orientaux souvent très réussis, de belles voix, une sorcière merveilleusement méchante (Cassiopée, qui fait un malheur chaque fois qu'elle est sur scène), des costumes ravissants, des projections bien conçues... et des danseuses de baladi - non, soyons précis, UNE danseuse de baladi tout simplement exceptionnelle.

Ceux qui ont vu Amélia, la danseuse étoile de la troupe de 12 danseurs (aussi conseillère du chorégraphe Christian Vézina pour les danses orientales), se produire hier soir dans Sherazade ne l'oublieront jamais de leur vie! Croyez-en une ex-étudiante en baladi: cette danseuse est un extraordinaire cocktail de sensualité et de virtuosité!

Oui, c'est beau, Sherazade. Parce que le metteur en scène Yves Desgagnés a effectivement transformé ce qui était une oeuvre essentiellement musicale en production théâtrale avec une réelle montée dramatique (malgré un léger essoufflement aux deux tiers, temporaire) et que la scène est vraiment bien occupée en tout temps, que certains numéros sont à couper le souffle (Aladin au marché, les filles du harem, les nuits d'Orient, etc.), que le spectacle regorge de trucs bien pensés pour simuler la magie, que le décor est à la fois simple, voluptueux et ingénieux, que les éclairages sont de pures petites merveilles par moments, que le rythme est quasi tout le temps soutenu, que les trois musiciens jouant sur instruments orientaux ajoutent beaucoup aux scènes où ils sont présents...

Oui, il y a un livret dans Sherazade, un vrai. Cette fois-ci, l'adaptation du conte millénaire est bien pensée, logique, les personnages sont mieux étoffés, bref, on voit qu'il s'agit là de la deuxième comédie musicale de Félix Gray. Et il faut lui reconnaître un don de mélodiste peu commun, de même que le courage de faire appel à des chanteurs quasi inconnus pour défendre des rôles difficiles et exigeants: hier soir, tant Philippe Berghella en sultan (belle voix et beau gars... qui fait parfois songer à Johnny Hallyday!) que Rita Tabbakh en Sherazade volontaire et idéaliste (quel beau timbre vocal) ou Caroline Marcoux dans le rôle très important de Yasmina, petite soeur de Sherazade, en fait, tout le monde a bien chanté, avec conviction et âme.

On le répète, il y a quelques numéros plus sirupeux et l'attention des spectateurs, pendant les 90 minutes sans entracte (merci, génie de la lampe, pour cet autre voeu enfin exaucé), se relâche quand quelques chansons plus lentes - et plus «ballades occidentales» - se succèdent. Pas sûre non plus que le spectacle s'adresse aux enfants, en tout cas, pas aux jeunes garçons (qui trouvent qu'il devrait y avoir plus de conte et moins d'amour, si j'ai bien compris...).

Mais franchement, il ne faut pas bouder son plaisir: la chaleur, le raffinement, la beauté de l'Orient, même un Orient imaginaire, sont présents dans Sherazade. La fin du spectacle, qui mise sur l'espoir et la foi - de même que sur la nécessité de demander pardon, parfois, est tout à fait de mise en cette période de crise, d'affrontement et de froid. C'est tout cela qui fait de Sherazade un spectacle finalement assez magique!

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Sherazade, les mille et une nuits, de Félix Gray au Théâtre Olympia en mars. Supplémentaires du 9 au 19 avril, avant la tournée. Infos: www.sherazade1001nuits.com.