Ne cherchez pas de billets pour le dernier concert de Tryo à Montréal, ce soir, au Métropolis. Ce sera complet, archi-complet. Aussi bondé de jeunes que le concert d'hier soir, et un peu plus achalandé que celui de jeudi, alors qu'il n'y avait «que» 2000 fans, et quelques critiques, dans la salle.

Mon dernier rendez-vous avec Tryo, de mémoire, c'était au Club Soda, il y a quelques années déjà - et, depuis, avec le chanteur et guitariste Christophe Mali en solo, précédé de DobaCaracol. Il n'y a pas de hasard: c'était bel et bien Doriane Fabreg, la «Doba» de son ancien duo, qui brisait la glace, jeudi, avec ses nouvelles chansons devant le public docile du quatuor français. Nous y reviendrons.

 

Tout ça pour dire qu'en cinq ans, force est de constater que le succès de Tryo a atteint des proportions franchement étonnantes. Qui me rendent un peu perplexe, soyons franc. Parce que tout ça est presque trop gentil, trop propre, pour déchaîner ainsi les passions.

Tryo a l'immense mérite d'avoir réussi à faire de sa chanson-pop-reggae légère parfumée d'effluves de cannabis - dans les thèmes de certaines chansons comme dans l'atmosphère ambiante de leurs spectacles! - un noble combat pour la protection de notre Terre (avec guichet Greenpeace à l'entrée du Métropolis) et autres causes sociales d'une importance capitale. Dans le geste comme dans l'intention: les deux derniers albums comptent leur part de chansons totalement engagées, et s'il fallait lier le succès croissant du groupe à cet aiguillage, il faudrait donner une médaille à Mali, Manu, Bravo et Guizmo.

Baisses de tension

Encore faut-il que la musique soit bonne pour que la pilule sociale passe mieux. C'est là qu'on se questionne: qu'y a-t-il donc dans ces chansons, certes festives mais somme toute banales, pour qu'on se précipite aux guichets?

Surtout que, bien que les musiciens soient attachants, que leur performance soit réglée au quart de tour - ces gars-là jouent impeccablement bien de leurs instruments, et les arrangements sont juste assez efficaces pour habiller des chansons souvent simplement faites de guitares et de percussions -, la soirée compte quelques baisses de tension.

Entre les classiques du groupe, les nouvelles chansons et les (ronflants) solos de percussions, des temps morts. Qui, heureusement pour Tryo, ne pouvaient pas tempérer l'ardeur des fans, un public vaste et bigarré, quelques têtes grises dans une mer de cégépiens, de l'idéaliste et militant jusqu'à la proprette demoiselle vêtue comme à la sortie du bureau.

Et on en vient à se demander, au fur et à mesure que la soirée progresse, si ces jeunes n'ont pas le même attachement pour l'oeuvre de Tryo que pour celle de Michel Fugain, tant les mélodies, l'optimisme au premier degré de certaines chansons, sont de la même école. Probablement pas, non parce qu'ils seraient trop jeunes pour avoir connu Fugain, mais parce qu'il s'agit sûrement d'un phénomène générationnel, comme le fut le culte au Big Bazaar dans les années 70.

Enfin, il serait injuste de ne pas souligner combien Tryo a dans sa besace son lot de chansons irrésistibles. G8 et Serre-moi, Sortez-les, Tombe mal ou l'excellente Jocelyne, du Tryo à son meilleur lorsqu'il fait sien un rythme ska à double-temps, assorti d'une imparable mélodie et de ces belles harmonies vocales qui sont autant la marque de commerce du groupe que ce penchant assumé pour toutes choses jamaïcaines.

Doriane

En première partie, Doriane Fabreg avait visiblement le trac, elle qui lance sa carrière solo plusieurs mois après sa consoeur Caracol. Le geste force le rapprochement avec DobaCaracol, et ramène à la mémoire les concerts de l'ancien groupe. Doriane, c'était la dynamo du duo, le soul dans la voix, la scène comme seconde nature. Son retour s'est fait en précipitant les chansons aux couleurs de blues et de vieux R&B, en les interprétant avec une empathie presque trop appuyée - mettons ça sur le compte de la nervosité. La demoiselle a profité de l'occasion pour lancer un mini-album de quatre titres (dont une version reggae de Non, je ne regrette rien), histoire de nous convaincre que ce n'est qu'un (nouveau) début.