Sa tournée française, « très intense», à peine terminée, Francis Cabrel débarquait sur le plateau de Star Académie et enchaînait avec une quinzaine de spectacles au Québec et au Nouveau-Brunswick. Conversation avec le plus québécois des chanteurs français.

Francis Cabrel était très inspiré quand il a créé Des roses&des orties, à ranger parmi les Sarbacane et autres grands disques de sa longue carrière. Mais les thèmes plus sérieux qu'il aborde sur cet album paru l'an dernier - immigration illégale, racisme, religion qui divise, indifférence de la classe dirigeante - ne font pas de son spectacle actuel une affaire sombre et lourde. Si autre ton - et nouveau souffle - il y a, affirme Cabrel, c'est à cause de deux nouveaux musiciens qui l'amènent dans un autre univers, l'accordéoniste et pianiste Alexandre Léautaud et Freddie Koella à la guitare électrique, au violon, à la mandoline, qui se greffent au guitariste Éric Sauviat et aux vieux complices Bernard Paganotti à la basse et Denis Benarosch à la batterie.

«Il y a de la gravité parce que certaines chansons du dernier album sont un peu lourdes de sens, Les cardinaux en costume ou African Tour par exemple, et j'assume tout à fait, dit Cabrel au bout du fil. Mais à côté de ça, il y a des chansons un peu enlevées. Et le spectacle est un peu plus relâché parce que les choses se passent très bien, le disque a eu du succès, donc je n'ai pas de stress, je n'ai pas d'inquiétude, je suis content de retrouver les gens.»

Stressé Cabrel? Vraiment?

«La grande angoisse quand tu pars en tournée, c'est que tu présentes des chansons nouvelles et parfois tu forces un peu la main des gens parce qu'ils les connaissent peu ou les aiment moins que les anciennes, t'as l'impression de toujours un peu faire du service après-vente sur les nouveaux titres, répond Cabrel. Mais il se trouve que les nouveaux titres ont reçu le même accueil des gens: quand je chantais L'encre de tes yeux, Mademoiselle l'aventure ou African Tour, tout ça c'était mêlé. Le bonheur de cette tournée, c'est d'avoir un répertoire de 25 chansons parmi lesquelles on ne peut pas dire quelle est l'ancienne ou la nouvelle.»

Comme il en a l'habitude, Cabrel reprend sur scène plusieurs pièces - «neuf, parfois dix» - de son dernier album. Parmi celles-ci, justement, la fort belle Mademoiselle l'aventure, une lettre à la mère de la petite Vietnamienne qu'il a adoptée, une femme qu'il ne rencontrera sans doute jamais. Le pudique Cabrel s'est longtemps demandé s'il chanterait cette chanson très personnelle devant public. Il a finalement décidé que oui, «avec une petite astuce» toutefois: «Les premières fois, c'était un peu compliqué, mais... j'ai fini par vivre avec. La petite est venue m'écouter chanter», dit-il.

L'âme musicienne américaine depuis toujours

S'il y a une différence entre son public français et ses fans québécois, auxquels il offre le même spectacle, c'est sans doute dans la résonance des chansons américaines que Cabrel a toujours intégrées à son répertoire. Sur Des roses&des orties, il chante tour à tour Dylan (Elle m'appartient - She Belongs to Me), JJ Cale (Madame n'aime pas - Mama Don't) et John Fogerty de l'époque Creedence Clearwater Revival (Né dans le bayou, Born on the Bayou).

«Les chansons américaines que j'ai adaptées, les Québécois les connaissent mieux, ils ont grandi avec elles, explique Cabrel. J'adore l'âme musicienne américaine, c'est pour ça que tout mon répertoire en est très imprégné. Je suis né un peu avec ces musiciens-là, j'avais 13, 14 ans, et ils étaient déjà là.»

Après sa virée québécoise, Francis Cabrel participera à des festivals en France puis rentrera chez lui fin juillet et se remettra à écrire. Un DVD de son spectacle actuel, enregistré à Toulouse le 1er avril, sortira à l'automne. On devrait aussi l'entendre sur l'album de duos de Jean-Pierre Ferland à paraître aussi à l'automne. «Exceptionnellement, Jean-Pierre fera une chanson de Francis», nous dit le producteur Paul Dupont-Hébert.

Cabrel chantera également Encore et encore avec The Lost Fingers sur l'album du trio de Québec, prévu en juin. On parle enfin d'un possible duo avec Kevin Parent et d'un autre avec Gilles Vigneault sur un éventuel album hommage au poète de Natashquan, dont Cabrel va sortir le dernier disque, Arriver chez soi, en France. «Moi, je serais ravi de chanter avec Gilles Vigneault, j'adore», dit le plus québécois des artistes français.

Francis Cabrel, au Théâtre Saint-Denis les 21, 22 et 23 avril.