Francis Cabrel nous avait parlé du nouveau souffle donné à sa musique par l'ajout de deux nouveaux musiciens. Le public réuni hier au Théâtre Saint-Denis pour le premier de ses trois spectacles en autant de soirs a rapidement saisi que le chanteur d'Astaffort ne blaguait pas.

La musique créée sur place par Cabrel et ses quatre complices était d'une beauté et d'une plénitude rares. J'ai compris du même coup pourquoi Cabrel me parlait du bonheur de donner un spectacle avec un répertoire d'une vingtaine de chansons où les nouvelles se mêlent aussi bien aux anciennes. Bien sûr, les fans ont toujours un faible pour les chansons qu'ils fredonnent depuis des années, même s'il est vrai que celles du récent album Des roses&des orties sont de haut niveau. Mais ce qui fait de ce spectacle où Cabrel joue quand même neuf nouvelles chansons sur 23 une telle réussite, c'est la richesse de cette musique qui ne se dément pas depuis la toute première chanson, La fille qui m'accompagne, jusqu'au rappel, toutes chansons confondues.

Une musique tantôt arabisante (Des roses&des orties), tantôt bluesée (Assis sur le rebord du monde), country (Les chemins de traverse) ou hispanisante (La corrida) où se mêlaient avec bonheur les guitares d'Éric Sauviat (pedal steel, électrique, mandoline) et de Freddy Koella (qui joue aussi du violon) sur un lit de Hammond B3 ou d'accordéon, gracieuseté d'Alexandre Léauthaud. Derrière, le batteur Denis Benarosch et l'éternel Bernard Paganotti à la contrebasse gardaient le fort.

La musique était tout autant à l'honneur dans la partie «feu de camp», au milieu du spectacle, où Cabrel s'est installé sur un tabouret avec sa guitare acoustique pour nous servir coup sur coup trois chansons d'amour parmi la centaine - c'est lui qui le dit! - qu'il a écrites: L'encre de tes yeux, Je t'aimais, je t'aime, je t'aimerai et Petite Marie. Le charme de la guitare de Cabrel opérait si bien que la chorale de spectateurs qui se manifeste habituellement pendant ces chansons s'est tue comme pour mieux s'en emplir les oreilles.

Au rappel, il nous d'abord servi la fort belle Mademoiselle l'aventure, qui a déjà sa place parmi les classiques cabreliens. Quand j'ai dû quitter, il se lançait dans un trio de chansons américaines qu'il a traduites, en commençant par l'énergique Madame n'aime pas (Mama Don't) de J.J. Cale, joli prétexte à une enfilade de courts solos de chacun des musiciens. Le programme prévoyait ensuite Rosie de Jackson Browne et Né dans le bayou (Born on the Bayou) de Creedence Clearwater Revival.

En lever de rideau, Catherine Durand a si bien séduit le public de Cabrel qu'on aurait pu entendre une mouche voler pendant Coeurs migratoires, Peine perdue ou Je vais rester. La jeune femme et ses deux complices partagent avec Francis Cabrel un goût certain pour la chanson de qualité et un son de guitares irrésistible. De leur part, on aurait pris davantage que cinq chansons.