À sa troisième visite à Montréal mardi soir dernier, la jeune sensation soul britannique Adele, lauréate d'un prix Grammy dans la catégorie «Meilleur nouvel artiste», s'offrait le Métropolis le temps d'un bref mais passionné tour de chant.

C'était il y a à peine plus d'un an, en mars 2008 pour être précis, qu'Adele foulait pour la première fois une scène montréalaise, au Cabaret Juste pour rire, dans une formule acoustique qui proposait les chansons d'un premier album fraîchement paru, simplement intitulé 19. Avec ces Hometown Glory et Chasing Pavement qui ont fini par nous charmer, son public s'est agrandi, trouvant de nouveaux convertis dans toutes les catégories d'âge, équitablement représentées sur le parterre et le balcon bondés du Métropolis mardi dernier.

Dès Cold Shoulder, première chanson de son spectacle, le public était conquis. Vifs applaudissements à l'arrivée de la jeune diva, qui venait rejoindre sur scène son orchestre, un bassiste, un guitariste, un batteur et deux claviéristes. Lesquels s'acquittent correctement de leur boulot, sans grand éclat, mais en misant sur leur facilité d'adaptation, passant sans heurts d'un titre soul classique à ce morceau de facture plus pop avec lequel Adele nous saluait en lever de rideau.

Le répertoire de la soirée, constitué de ses compositions et de reprises, celles de Sam Cooke, Etta James («Celle qui m'a donné envie de chanter», commentait-elle), Bob Dylan (magnifique Make You Feel My Love) et The Raconteurs, est sensiblement le même que lors de son premier concert. Par-dessus tout, on garde l'impression que la jeune femme est restée humble et attachante, que sa tête n'a pas gonflé, malgré les accolades et les trophées. Adele aime les digressions entre les chansons, les rires complices qui mettent un peu de sucre sur ses chansons aigres douces.

Adele n'a jamais vécu dans les bars - autrement que pour prendre un coup, aime-t-elle blaguer. Son succès fut si vif depuis qu'on l'a découverte sur MySpace qu'elle n'a jamais eu à donner de petits concerts dans des trous enfumés pendant de longues années, parfois le lot des chanteurs et chanteuses de blues, jazz, soul. Pourtant, elle en a néanmoins l'attitude, cette façon d'interpeller son public, de ne pas se laisser perturber même si le fond de la salle discute fort (ce fut le cas mardi dernier), d'imposer ses chansons par la force de ses interprétations et la magnitude de sa présence vocale.

Adele n'a cependant pas un grand souffle, ses inflexions et petits cris rauques risquent de devenir des tics de chanteuse confortable dans son rôle, mais sa voix est toujours juste et sait nous transporter.

On l'aime autant pour sa voix distinctive que pour ses quelques mémorables compositions, et la nouvelle Stand By Me, jouée au rappel en s'accompagnant elle-même à la guitare, donne déjà l'assurance d'un second album réussi. Une belle âme, une vieille âme, et une artiste qui, à 20 ans seulement, promet de grandes choses. Qu'est-ce que ce sera lorsque son orchestre se sera enrichi de vrais bons musiciens inventifs, ou encore d'une rutilante section de cuivres qui aurait donné du lustre à ces ballades soul bluesées...