Mercredi soir, pendant que les scalpers demandaient 400 $ pour un billet de parterre (prix régulier + 100 $), Elton John se faisait photographier avec ses fans devant le Centre Bell.

Hein? Sir Elton soi-même? Presque! Caché derrière ses verres colorés, Rock Bolduc jouait parfaitement son rôle de goutte d'eau: trapu, souriant, le diamant au lobe et tout. «Tout le monde me dit que je ressemble à Elton John! On était venu le voir ici en 2006 et ce soir, j'ai décidé de m'habiller comme lui. Pour le fun!»  Et on va parler longtemps de «Crocodile Rock Bolduc» au Duro Vitres d'auto de Rouyn-Noranda.  

À Montréal, on se souviendra surtout que tout le monde était debout pour cette pièce enlevante, la dernière des 11 jouées par Elton John dans sa partie solo du spectacle qu'il présente avec Billy Joel depuis 1994 (ils étaient venus au Centre Bell en mai 2001).

À 19h45, les 17 686 spectateurs étaient à leur place quand, sous les cris, les deux pianos à queue sont montés des entrailles de la scène, juste avant que les superstars ne fassent elles-mêmes leur entrée. Après l'étreinte d'usage, Sir Elton, cheveu neuf et redingote ouvragée, s'installe au piano de gauche sous la clé de sol; Joel, bas sur pattes, veston-cravate de sous-directeur, est presque debout devant le piano de droite. Sous la clé de FA.

La soirée commence avec Your Song, premier succès d'E.J. et un peu la chanson-concept de ce spectacle où, quand ils jouent en duo, chacun chante des bribes des pièces de l'autre. La foule (jeunes couples, blondes printanières, sexagénaires de toutes eaux) connaît toutes les paroles: quand Joel se retire après My Life, le Centre Bell bruit déjà de la rumeur des grands soirs.

Elton John commence sa partie avec Funeral for a Friend et ça ne dérougira pas (les rockers sont contents) pendant une heure et quart. Le monsieur (62 ans) est tout à son affaire, comme ses musiciens mais il s'adressera bientôt à la foule, en français: «Bonsoir! J'espère que vous aimerez les chansons que j'ai choisies pour vous.» (voir la liste complète en cliquant ici). Au début, la voix nous a semblé un peu courte dans les finales mais dans Tiny Dancer, on ne sentait plus le souffle court. Il n'a rien perdu de sa virtuosité au piano même s'il est parfois difficile de distinguer son jeu de celui du claviériste.

Billy Joel, lui, est la personnification même de l'american entertainer, toujours en contact avec son vis-à-vis ou avec la foule. Et il est drôle, le p'tit vite du Bronx qu'on avait vu à Montréal en avril 2008: «Fait chaud ici ou c'est moi? Pouvez pas leur dire de laisser entrer un peu de bon air canadien-français?» La voix, haut perchée, est intacte et, bien qu'il joue encore brillamment du piano, Joel (60 ans) évite les versions longues et laisse beaucoup de place à ses (8) musiciens dont cet exubérant saxophoniste qui saute partout. It's Still Rock And Roll To Me...

Si le sport a ses finales «de rêve», que dire de celle de ce spectaculaire face-à-face? Quinze musiciens, huit méga-hits ­ Uptown Girl, The Bitch Is Back, un seul son qui se transforme en souvenir après Candle in the Wind et, cela va de soi, Piano Man. «And you got us feeling all right!»