La décision de la Ville de Québec d’offrir un billet gratuit à ceux qui achèteront un ou des billets de spectacle les 23 et 24 novembre prochains est saluée par les intervenants du milieu culturel montréalais, qui y voient surtout un symbole du soutien municipal. La Ville de Montréal, elle, applaudit, mais ne veut pas se prononcer… pour le moment.

L’initiative du maire Bruno Marchand a été lancée cette semaine dans le but d’encourager le public de Québec à renouer avec les arts de la scène, durement éprouvés pendant la pandémie.

M. Marchand a rappelé qu’en 2019, 1,2 million de personnes avaient fréquenté les salles de Québec. « L’an dernier, ils n’étaient plus que 250 000. Faites les maths comme vous voulez, ça ne peut pas marcher. On a une part de responsabilité comme Ville, comme citoyens », a-t-il indiqué.

Jusqu’à 20 000 billets seront ainsi offerts par la Ville pour des spectacles de musique ou de théâtre présentés dans divers lieux de diffusion identifiés par la mairie durant deux journées : les 23 et 24 novembre. Coût de l’opération : 210 000 $ — somme qui vient du fonds du gouvernement du Québec pour la relance du centre-ville.

Lisez notre texte sur l’initiative de la Ville de Québec

S’il salue l’initiative du maire Marchand pour mettre en lumière le milieu culturel à Québec, le cabinet de la mairesse Valérie Plante n’a pas voulu dire si Montréal pourrait lui emboîter le pas, rappelant plutôt les mesures déjà prises par la métropole.

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La mairesse de Montréal, Valérie Plante

« Les mesures mises en place à Montréal visent à assurer une reprise pérenne du milieu culturel, qui a été grandement affecté par la pandémie », a indiqué son attachée de presse principale, Catherine Cadotte. Le cabinet évoque les programmes du Conseil des arts de Montréal : Quand l’art prend l’air, le soutien des initiatives locales sur le territoire de l’île de Montréal et le programme de résidences.

La Ville rappelle qu’elle a lancé son programme d’insonorisation des salles indépendantes doté d’une enveloppe de 1,4 million de dollars.

Montréal a également reçu de nouvelles sommes du gouvernement du Québec visant la relance du centre-ville, qui permettront de soutenir le milieu par différentes initiatives culturelles qui seront dévoilées sous peu.

Catherine Cadotte, attachée de presse principale du cabinet de la mairesse de Montréal

David Laferrière, président de l’organisme RIDEAU, qui représente 350 salles de spectacles au Québec, a accueilli la nouvelle avec enthousiasme, rappelant que les villes et les MRC sont les « premiers partenaires » de nombreuses salles de spectacles. « Je me réjouis de voir une ville qui veut jouer un rôle dans la relance des arts de la scène », dit-il.

Cette mesure saura-t-elle relancer la vente des billets de spectacles ? « Difficile à dire, répond David Laferrière, également directeur général du Théâtre Gilles-Vigneault, à Saint-Jérôme. C’est un coup de pouce à ceux qui se commettent déjà. Dans le contexte inflationniste actuel, c’est intéressant. D’autant plus que ce n’est pas une mesure très coûteuse. »

Un symbole fort

Mais est-ce une mesure qui pourrait avoir un impact sur le milieu ? « Toutes les initiatives sont bonnes, croit M. Laferrière. On ne peut pas être contre la vertu. C’est difficile de savoir si cette mesure aura un véritable impact, mais en tout cas, elle a valeur de symbole. Maintenant, bien sûr, il faut penser à des mesures plus pérennes pour les arts de la scène. »

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David Laferrière, directeur général du Théâtre Gilles-Vigneault et président de l’organisme RIDEAU

Le codirecteur artistique du Théâtre Duceppe, Jean-Simon Traversy, est lui aussi heureux de voir la ville de Québec désireuse de voir rayonner la capitale par l’entremise de la culture. « On se bat tous les jours pour que tout le monde ait accès à notre théâtre, dit-il. Notre programme Ton âge = ton prix [destiné aux 18 à 35 ans] en est un bon exemple. »

M. Traversy rappelle que, dans plusieurs pays, les villes subventionnent les arts de la scène. « Ici, c’est surtout le gouvernement du Québec. Et heureusement que le programme d’aide à la billetterie est toujours en place [jusqu’en mars 2023] parce que c’est un formidable filet de sécurité pour nous si on n’arrive pas à remplir notre salle. »

La pandémie a en effet changé le comportement des spectateurs, constate Jean-Simon Traversy. « Ils achètent leurs billets à la dernière minute, ils ont aussi moins tendance à s’abonner, donc oui, c’est difficile. On n’a pas retrouvé nos chiffres d’avant la pandémie, même si on a eu une très bonne rentrée [avec Mama et Un. Deux. Trois.]. J’ai l’impression qu’on est à une mauvaise nouvelle de redemander de l’aide… »

Un pansement ?

Michel Sabourin, porte-parole de l’Association des salles de spectacles indépendantes du Québec et président du Club Soda, se fait plus critique. Il n’est pas contre la mesure, mais ne croit pas qu’elle aidera fondamentalement le milieu culturel, extrêmement fragile. « Je ne dis pas que ça ne vaut pas la peine d’être essayé, mais le résultat m’apparaît équivoque… Pour reconquérir notre public, il va falloir mettre en place des mesures plus pérennes, comme des crédits d’impôt. » Une mesure également appuyée par RIDEAU.

M. Sabourin n’aime pas non plus « le message que ça envoie ». « Il y a une compétition internationale féroce. On le voit avec le prix des billets des vedettes qui viennent ici… Donc qu’est-ce que ça envoie comme message ? Que nos spectacles valent moins cher ? Qu’ils sont de moins grande qualité ? »

La crise actuelle commande une mobilisation beaucoup plus grande, croit-il. « La pandémie a créé un vide, il y a une reconstruction du public à faire. On doit mieux connaître notre public, être capable de s’adresser à lui, lui faire des offres directes. Si on utilise toujours des plasters pour se donner bonne conscience, on n’y arrivera pas. »