C’est un des favoris du public montréalais, et pour cause. La compagnie homonyme menée par le brillant chorégraphe anglais Hofesh Shechter foulera à nouveau les planches montréalaises, à l’invitation de Danse Danse, avec Double Murder, un doublé qui s’annonce tout en contraste.

Hofesh Shechter apparaît, tout sourire, sur notre écran, en direct de Londres. Le jour de notre entretien, la première ministre Liz Truss venait de démissionner, à peine un mois après sa désastreuse entrée en poste. « Vous aurez donc un nouveau premier ministre aujourd’hui ? », lui lance-t-on, sourire en coin. « Hé oui, un de plus ! On n’en a jamais assez, on en veut plus ! », rétorque en riant celui qui dit avoir très hâte de revoir Montréal, une ville qu’il adore, avec sa compagnie.

Même si ses pièces abordent souvent des sujets brûlants d’actualité ou sondent avec acuité les paradoxes de la nature humaine, le créateur se garde bien de qualifier ses créations de « politiques ».

Ainsi en est-il pour Clowns, qui ouvrira le programme double intitulé Double Murder, au Théâtre Maisonneuve. Shechter y aborde la fascination humaine pour la violence et sa mise en scène dans la société du spectacle. « Je n’arrive pas avec un programme qui dit que la violence, c’est mal, même si on peut tous admettre que la violence n’aide personne. Ce que j’essaie de faire, c’est susciter la réflexion autour de cette question très complexe : pourquoi la violence est-elle là, omniprésente, parmi nous ? »

PHOTO JAKE WALTERS, FOURNIE PAR DANSE DANSE

Hofesh Shechter

Je ne prêche rien. Cependant, nous avons de grandes valeurs, une haute morale, mais sommes incapables d’appliquer tout ça. Tout ce qu’on peut faire, c’est poser des questions.

Hofesh Shechter, chorégraphe

D’abord créé pour la compagnie Nederlands Dans Theater, Clowns est né d’un jeu plutôt enfantin : « Assez naïvement, on s’est mis à jouer à faire semblant de se tuer, de façon très théâtrale, sur scène, de différentes façons. Au début, c’était plutôt amusant, très grotesque », relate l’artiste.

Mais ces explorations ont fini par amener le chorégraphe à se demander pourquoi il y a ce côté en nous qui prend plaisir au spectacle de la violence, à ressentir les frissons qu’elle suscite : « J’ai deux petites filles. Et il n’y a rien qu’elles n’aiment plus que quand je joue le monstre en les pourchassant ! Il y a quelque chose dans ces jeux instinctifs à propos du danger, de la mort, qui nous interpelle. »

N’est-ce pas justement cette fascination de l’humain pour la violence que les médias exploitent en la montrant de façon toujours plus frontale ? « Pour des questions d’argent, de pouvoir, les médias cherchent à capter, à garder l’attention des gens de façon très primaire, en repoussant toujours les limites de ce qui est montré », estime-t-il.

C’est ainsi que Clowns est devenu cette fable grotesque et grinçante autour de la société du divertissement. « Finalement, tout ce que les danseurs essaient de faire en se “tuant” les uns les autres, c’est de garder l’attention du public, de n’importe quelle façon, aussi pitoyable soit-elle. Ce sont des clowns, après tout ! », lance celui qui signe aussi toutes les musiques de ses spectacles.

PHOTO TODD MACDONALD, FOURNIE PAR DANSE DANSE

The Fix a été pensé comme un antidote à Clowns.

Un « antidote »

Si Clowns est d’abord divertissant à regarder, c’est malgré tout une pièce très sombre. « J’aime beaucoup travailler avec la répétition. Dans Clowns, c’est ce qui rend la pièce très noire, cette impression qu’on ne peut plus en sortir. Ça commence comme un spectacle de cabaret un peu étrange, mais à un moment donné, on a l’impression d’être prisonnier d’un cauchemar à la David Lynch. »

L’idée d’y répondre avec un « antidote » dans un programme double s’est imposée au chorégraphe. « Clowns offre une vision assez pessimiste de l’humanité. Je me suis dit qu’il serait intéressant d’explorer un autre angle : une communauté qui tente de survivre ensemble, de façon harmonieuse. »

Lumineuse, empreinte de douceur, naïveté et lenteur, cette seconde création, The Fix, a été l’occasion pour Shechter de se mettre au défi. « Mon travail est souvent très sarcastique, en plein visage. Je voulais essayer quelque chose de nouveau. Ce sont des émotions qui existent en moi, mais que je ne laisse pas vraiment exister sur scène », remarque-t-il.

Créée majoritairement avant la pandémie, The Fix a pris encore plus de sens au sortir de ces temps troubles. « Tout cela a donné encore plus de signification à ce travail. C’était encore plus puissant de travailler à donner au public ce qui manque parfois cruellement dans notre monde : l’espoir. »

Du 2 au 5 novembre, au Théâtre Maisonneuve

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Atelier de danse

Envie d’explorer le langage chorégraphique de Double Murder sur la scène du Théâtre Maisonneuve ? Un atelier de danse ouvert à tous aura lieu le 5 novembre de 11 h à 12 h 15 en compagnie de la répétitrice de la compagnie, Yeji Kim.

Billets en vente au coût de 25 $

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