Incarner le renouveau de l’indépendantisme québécois : c’est le souhait d’un groupe de jeunes qui se réapproprient la fête nationale. Par l’art et la fête, ils espèrent dépoussiérer un projet de société qu’ils jugent encore pertinent.

Le 24 juin 2021, des policiers ont mis fin à la fête nationale que de jeunes souverainistes avaient organisée au parc Laurier à Montréal, faute de permis pour leur génératrice. Cette année, comme en 2022, rien ne pourra mettre fin à la célébration : tout sera fait dans les règles sous le flambeau des Organisations unies pour l’indépendance du Québec (OUI Québec). Le comité organisateur, qui avait réussi à rassembler plus de 500 personnes l’an dernier, évolue de manière autonome afin que les jeunes représentent une partie intégrante du projet indépendantiste, explique Camille Goyette-Gingras, présidente de l’organisation.

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Alex Valiquette, un des instigateurs de la fête nationale au parc Laurier et membre des OUI Québec

« On fête le Québec, mais on fête aussi un projet de société », souligne Alex Valiquette, un des instigateurs de la fête. Pour les membres de l’organisation, il n’est pas question de cacher le caractère indépendantiste de leurs festivités du 24 juin. Il s’agit d’un moment pour montrer « ce que la jeunesse veut pour l’avenir du Québec », explique le jeune homme de 22 ans. Il souhaite « une fête nationale engagée, politisée », contrairement à celles qui sont organisées aux quatre coins de la province.

L’art au service de l’indépendance

Sonalie Hénault, qui est aussi co-organisatrice et qui travaille dans le milieu de la musique, pensait qu’il serait difficile de recruter des artistes qui voudraient s’afficher dans un évènement aussi clairement indépendantiste. À sa grande surprise, il n’y a eu qu’un refus. La question ne s’est effectivement pas posée pour Justin Boisclair (Bkay), membre de LaF. Le groupe de rap québécois sera de la partie aux côtés de Lysandre (révélation Radio-Canada 2022-2023), Jam Khalil (grand gagnant de la première compétition de rap télévisée La fin des faibles à Télé-Québec), le groupe Oui Merci, Banitsa ainsi que Charlotte Brousseau.

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Le groupe LaF

« On a des atomes crochus avec le mouvement des OUI Québec », indique Justin Boisclair, même si LaF n’a pas de ligne directrice en ce qui concerne la souveraineté du Québec. L’art joue un grand rôle dans le processus de réappropriation du projet indépendantiste, croient les organisateurs. C’est avec un peu de magie qu’ils espèrent faire revivre le rêve d’un pays, mais surtout d’un projet de société rassembleur.

Souvent, on parle de souveraineté de manière rationnelle, avec des chiffres, mais d’abord et avant tout, il faut sentir ce projet-là dans nos tripes, et ça passe par les artistes, par la culture.

Camille Goyette-Gingras, présidente des OUI Québec

Florence Labelle, co-organisatrice de la fête au parc Laurier, sera présente pour « donner un sens à son art ». Elle aimerait que la fête nationale « sème » l’envie d’un engagement envers la cause souverainiste chez les artistes, décriant le caractère impersonnel des grandes fêtes nationales qui ont lieu sur les grandes scènes du Québec. L’implication des membres organisateurs dans le milieu de la musique émergente a motivé le choix de LaF à venir sur la scène du parc Laurier à l’occasion du 24 juin. « Ce sont aussi des gens qui font la promotion de la musique québécoise », illustre Justin Boisclair.

Penser différemment

La fête au parc Laurier est une des tentatives d’innovation dans lesquelles se lancent les OUI Québec afin de rejoindre ceux qu’on présente souvent comme désintéressés, indique Camille Goyette-Gingras. Selon la présidente, il faut faire différemment que les partis politiques qui proposent souvent les mêmes activités à chaque année avec le même noyau de personnes convaincues. « On est libéré du traumatisme de 95 », dit-elle en riant, ce qui permet aux nouvelles générations de penser différemment le projet indépendantiste.

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Camille Goyette-Gingras, présidente des OUI Québec, et Milan Goyette-Valcourt

Un renouveau du mouvement souverainiste implique une redéfinition des enjeux qui sont au cœur du projet, comme la lutte contre les changements climatiques. Pour Alex Valiquette, un Québec indépendant devra reposer sur des bases écologiques fortes. Si une réflexion sur le rapport au territoire n’est pas enclenchée, « c’est notre identité collective qui s’écroule », croit le militant souverainiste. Ce n’est pas un projet qui peut se réaliser sans intégrer l’autodétermination des Premières Nations « pour bâtir une nouvelle société libre du colonialisme », ajoute-t-il.

Les jeunes militants avouent rencontrer des personnes réticentes à leur projet, qui l’associent à la loi 21 et aux débats sur les quotas d’immigration.

Il faut que ce soit clair que, dans le mouvement souverainiste, on ne veut pas de personnes racistes et xénophobes, mais il faut que ce soit clair aussi qu’on puisse se questionner sur l’immigration et l’intégration sans se faire traiter de racistes.

Camille Goyette-Gingras, présidente des OUI Québec

Selon Florence Labelle, il faut permettre à la cause de se redéfinir en intégrant de nouvelles considérations : « Tu vas pas boycotter le mouvement féministe au complet, par exemple, parce qu’il évolue au fil du temps. » Et « il n’y a rien de plus inclusif que de bâtir un nouveau pays », lance pour sa part Alex Valiquette.

Justin Boisclair, de LaF, est rejoint par « la redéfinition de ce qu’est l’identité québécoise en 2023 » proposée par les OUI Québec, où l’inclusion a une place centrale. Pour les organisateurs, une vision politique qui dépasse la gestion quotidienne et qui sort de la partisanerie est nécessaire. « Il y a de quoi de révolutionnaire dans la fête », croit Alex Valiquette.