Peu après son entrée en scène sur un morceau dans l’esprit de la bossa-nova, Melody Gardot a fait remarquer à ses admirateurs rassemblés dimanche à la salle Wilfrid-Pelletier qu’elle avait un petit quelque chose de neuf. Elle se tenait en effet sur scène avec un micro dans une main, mais sans la guitare en bandoulière avec laquelle on a l’habitude de la voir. « Il joue tellement bien, a-t-elle dit en parlant de son pianiste, qu’il me donne envie d’arrêter [de jouer]. »

Le pianiste en question était Philippe Powell, le fils de Baden Powell di Aquino, musicien et compositeur avec qui elle a concocté son plus récent disque, Entre eux deux. Or, si cet album paru au printemps 2022 s’appuyait simplement sur le jeu du pianiste et la voix de velours de la chanteuse américaine établie en France, il en était tout autrement pour son concert de dimanche : Melody Gardot était entourée de pas moins de 16 musiciens, dont deux percussionnistes et un ensemble de cordes de Montréal.

L’imposant orchestre n’était pas là pour meubler le décor, mais pour mettre du lustre, du mouvement et de la couleur dans les histoires que la chanteuse raconte de cette voix de velours qu’elle pose de manière enjôleuse, mais toujours avec classe, sur des chansons jazz ou brésiliennes. L’apport de l’orchestre fut, tout au long du concert, d’une grande élégance et, surtout, d’une belle retenue.

Que les morceaux fleurent le romantisme ou frisent le mélodrame, ni les cordes ni le saxophone n’en faisaient trop.

L’ancrage, au cœur de ce concert, c’était bien sûr Melody Gardot. Pas seulement parce qu’elle est l’incarnation du cool – mystérieuse, suave, parfois un peu malicieuse –, mais aussi parce que c’était clairement elle qui était en contrôle. Il fallait la voir donner des indications à son orchestre pendant C’est magnifique, l’incitant à hausser le ton, pour saisir à quel point elle mène le jeu. Ce qu’elle fait avec un doigté et un tact extrêmes et une grande générosité envers ses musiciens, qu’elle a d’ailleurs présentés en début de concert plutôt qu’à la fin.

Atmosphère chaleureuse

Après avoir interprété Love Song et C’est magnifique de Sunset in Blue (2020) et Our Love is Easy (tirée de My One and Only Thrill), qui fut d’une beauté tendre, elle a d’ailleurs cédé la scène à Philippe Powell, qui a interprété un morceau de sa composition, Obstinada, en tandem avec l’inventif percussionniste brésilien dont on a malheureusement mal saisi le nom. Ce dernier a ajouté une foule d’effets sonores donnant l’impression de se trouver dans une forêt luxuriante pour une promenade tantôt paisible, tantôt emportée. L’épatant duo a été chaudement applaudi par la salle.

L’instant d’après, Melody Gardot est revenue se placer au cœur de l’action, et sans même un claquement de doigts, elle réinstallait cette atmosphère chaleureuse jusque dans ses élans de tristesse qu’elle avait jusque-là imposée avec un naturel absolument désarmant. En environ 90 minutes de concert, elle n’a joué qu’une douzaine de morceaux, mais qui ont tous été enrichis par ses accompagnateurs, en particulier par Philippe Powell, omniprésent même dans sa discrétion, et déployés avec beaucoup de finesse.

Ses admirateurs, en plus des morceaux déjà cités, ont aussi pu goûter This Foolish Heart Could Love You, Samba Em Preludio (Un jour sans toi), Coraçao Vagabundo, Les étoiles et quelques autres. Les applaudissements nourris disaient très clairement qu’ils étaient ravis. Et on les comprend : Melody Gardot a offert un concert où, hormis un peu de friture durant Our Love Is Easy, tout a été parfait et d’une grande classe.

Aussi ce lundi, 19 h, à la Maison symphonique