La compagnie tchèque Cirk La Putyka a donné un nouveau souffle au festival mercredi soir avec sa nouvelle création, Runners. Une pièce acrobatique et musicale percutante sur le thème du temps qui passe, et de notre course folle pour tenter (en vain) de le rattraper.

Dès les premières secondes, ils se mettent à courir. D’abord autour d’une longue tente de toile rouge, puis sur un immense tapis roulant, élément scénographique central de Runners.

Sur ce tapis, tout se jouera. Formidable métaphore de notre course quotidienne, les quatre interprètes de Runners s’arrêteront à tour de rôle pour faire part de petites tranches de vie et autres réflexions sur le temps avec le public.

De la première côte descendue à vélo au rêve d’être projeté par un canon humain, en passant par le fantasme d’arrêter le temps, il y a chez ces artistes une grande intensité, un désir profond de réussir, et peut-être aussi un penchant pour la vitesse… cette grisante sensation qui fait en sorte que « le temps s’immobilise ».

Ces apartés créent de véritables moments d’intimité avec les artistes de cirque – la plupart du temps anonymes – qu’on a l’impression d’un peu connaître à la fin de la représentation. Un procédé que les 7 Doigts ont exploré dans plusieurs pièces, dont Traces.

« Je suis capable de tout faire super rapidement, nous dira Sabina Bočková. Me lever, me brosser les dents, manger, faire l’amour… Mais pourquoi ? » « Si vous voulez survivre, vous devez courir », dira-t-elle encore plus tard.

En effet. Face au fameux mammouth, nous avons trois possibilités : nous prostrer, nous battre ou courir. Je choisirais moi aussi la course… N’est-ce pas Louis-José Houde, qui rappelait dans son dernier spectacle la philosophie du regretté batteur de Rush – Neil Peart – de toujours « rester en mouvement » pour surmonter les épreuves de la vie ?

PHOTO CHARLES WILLIAM PELLETIER, LA PRESSE

Sabina Bočková exécute une danse acrobatique endiablée sur le tapis roulant tout en chantant.

Oui, la matière de ce spectacle en apparence anodine est riche en réflexions de tout genre. Le fait de s’interroger pendant quelques secondes – durant notre course folle quotidienne – sur nos motivations profondes dans la vie est un heureux temps d’arrêt.

Des mentions spéciales

La pièce est magnifiquement rythmée par deux musiciens qui partagent la scène avec les artistes – un claviériste et guitariste, et une violoniste, qui chante sublimement à la fin. Dans les faits, la musique enveloppe l’ensemble de la pièce. Mention spéciale à l’artiste Sabina Bočková, qui exécute une danse acrobatique endiablée sur le tapis roulant tout en chantant, appuyée par la voix du claviériste et guitariste.

Autre mention à Ethan Law, un artiste américain – diplômé de l’École nationale de cirque de Montréal en 2010 – qui vit aujourd’hui à Prague, et qui fait un fabuleux numéro de roue Cyr, qu’il poursuit sur le tapis roulant.

C’est vrai, il y a un côté répétitif à ce manège – durant lequel les artistes multiplient les chorégraphies sur le tapis roulant – qui tourne tantôt au ralenti, tantôt en accéléré. Mais il y a suffisamment de matière durant l’heure et quart de cette représentation pour nous maintenir en éveil et même en état d’alerte.

Après la finale haletante menée par Viktor Černický, on ressort de Runners un brin essoufflé (pour eux), avec l’envie de mordre dans la vie à pleines dents. Mais pour les bonnes raisons. Courez donc voir ce spectacle (scusez-la).

Runners

Runners

De Cirk La Putyka

À la Tohu, Jusqu’au 16 juillet

8/10