Avec Essence, qui souligne les 50 ans de Ballets Jazz Montréal, la nouvelle directrice artistique Alexandra Damiani a voulu convier le passé, le présent et l’avenir de la compagnie. Les chambres des Jacques d’Aszure Barton ainsi que Ten Duets on a Theme of Rescue de Crystal Pite – deux pièces-phares du répertoire des chorégraphes, qui ont été revisitées pour l’occasion – seront accompagnées de belle façon par une chorégraphie d’une artiste émergente à suivre : Ausia Jones, interprète au sein de la compagnie depuis 2020.

Vous devez composer avec l’absence de deux interprètes, qui ont des problèmes de renouvellement de visa, ce qui fait que vous dansez dans votre propre pièce. Comment vivez-vous cette situation ?

C’est la première fois que ça m’arrive. Normalement, je ne danse jamais dans mon propre travail, je préfère avoir un œil extérieur. C’est une expérience assez unique. Cela dit, je suis quand même excitée de danser avec mes collègues et d’interpréter mon propre travail.

Parlez-nous un peu de vous. D’où venez-vous, quelle est votre histoire ?

Je viens de Dallas, au Texas. J’ai 25 ans. J’ai toujours adoré danser, dès mon jeune âge. Ma mère avait une vidéo d’exercice de Britney Spears et je le faisais jouer, chaque jour, après l’école [rires]. J’aimais vraiment ça ! Elle m’a donc inscrite à des cours de danse. Au secondaire, j’ai étudié dans une école d’art, à Dallas ; c’est là que j’ai vraiment su que je voulais faire ça de ma vie. J’ai fait mes études à la USC [University of Southern California] Glorya Kaufman School of Dance sous la direction de Jodie Gates et William Forsythe. C’est là que j’ai eu l’occasion de créer et que j’ai l’impression que ma voix s’est développée de façon claire.

William Forsythe est un chorégraphe de renom, notamment connu pour son travail au Ballet de Francfort et au sein de la compagnie qui porte son nom. Qu’avez-vous appris à ses côtés ?

Qu’il y a tellement de possibilités ; c’est à la fois effrayant et excitant comme artiste, de savoir que les possibilités sont infinies. Je m’attendais à quelqu’un de très sérieux, mais on avait aussi beaucoup de plaisir. Bien sûr, le travail qu’on faisait était sérieux ; mais il y avait une légèreté aussi à travers tout cela. Il a bien sûr influencé ma façon de créer – c’est quelqu’un qui a remis en question et repoussé les limites du ballet classique. En classe, il nous encourageait à utiliser notre background en hip-hop, en house… Tout est connecté, c’est une question de rythme. Il est vraiment devenu mon mentor ; il me pousse à remettre en question ce que je fais, à briser mes habitudes, à reconnaître les répétitions et à être claire à propos des choix que je fais.

Comment vous êtes-vous retrouvée à Montréal ?

C’était une période étrange ; je venais d’obtenir mon diplôme et c’était la pandémie. J’ai reçu un courriel de la part de Jérémy Raia [qui était le directeur artistique par intérim pour Ballets Jazz Montréal] qui m’offrait d’auditionner… sur Zoom ! C’est Bruce McCormick, un de mes professeurs à USC, qui m’avait recommandée. Voilà comment je me suis retrouvée à Montréal, sans vraiment savoir dans quoi je m’embarquais ! C’était vraiment un saut dans le vide.

Pourquoi cette envie de chorégraphier, en plus du travail d’interprète ?

Quand j’avais 16 ans, une des élèves de l’école où je suivais ma formation cherchait quelqu’un pour lui créer un solo. Je n’avais jamais fait ça, mais j’avais vraiment envie d’essayer. Tout s’est bien passé et j’ai même gagné un prix, ce qui m’a amenée vers d’autres possibilités. J’aime autant interpréter que chorégraphier, même si ce n’est pas vraiment commun chez les danseurs. On se sent souvent obligé de choisir l’un ou l’autre. C’est la raison pour laquelle je suis vraiment reconnaissante envers Alexandra Damiani de m’avoir donné cette occasion.

Comment avez-vous réagi lorsqu’elle vous a proposé de créer une œuvre pour ce triplé féminin, aux côtés d’Aszure Barton et de Crystal Pite ?

Je me rappelle cette journée de façon très vive. Elle est venue me voir durant la pause et m’a parlé de son idée de représenter le passé, le présent et l’avenir de la compagnie dans un spectacle, puis m’a demandé de représenter l’avenir. J’étais à la fois sous le choc et très honorée d’être aux côtés de femmes et artistes si incroyables.

  • Les interprètes de Ballets Jazz Montréal répétant la pièce We Can’t Forget About What’s His Name la veille de la première, qui a eu lieu le 27 septembre.

    PHOTO ROBERT SKINNER, LA PRESSE

    Les interprètes de Ballets Jazz Montréal répétant la pièce We Can’t Forget About What’s His Name la veille de la première, qui a eu lieu le 27 septembre.

  • Ausia Jones travaille de près avec la répétitrice Ching Ching Wong afin de peaufiner les derniers détails. Au premier plan, l’interprète Miu Kato.

    PHOTO ROBERT SKINNER, LA PRESSE

    Ausia Jones travaille de près avec la répétitrice Ching Ching Wong afin de peaufiner les derniers détails. Au premier plan, l’interprète Miu Kato.

  • Ausia Jones observe l’interprète Alyssa Allen.

    PHOTO ROBERT SKINNER, LA PRESSE

    Ausia Jones observe l’interprète Alyssa Allen.

  • Pour cette création, Ausia Jones dit avoir travaillé avec le groove et le contrepoint.

    PHOTO ROBERT SKINNER, LA PRESSE

    Pour cette création, Ausia Jones dit avoir travaillé avec le groove et le contrepoint.

  • Le battement de cœur, dans la musique, vient générer le mouvement.

    PHOTO ROBERT SKINNER, LA PRESSE

    Le battement de cœur, dans la musique, vient générer le mouvement.

  • We Can’t Forget About What’s His Name est une pièce pour sept danseurs.

    PHOTO ROBERT SKINNER, LA PRESSE

    We Can’t Forget About What’s His Name est une pièce pour sept danseurs.

  • C’est la première fois qu’Ausia Jones crée une pièce à la demande d’une compagnie.

    PHOTO ROBERT SKINNER, LA PRESSE

    C’est la première fois qu’Ausia Jones crée une pièce à la demande d’une compagnie.

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Qu’avez-vous voulu explorer avec cette œuvre chorégraphique ?

Je suis très inspirée par la musique. J’aime créer en écoutant une liste de lecture très éclectique ; jazz, hip-hop, house, musique ambiante ou classique ; j’ai fait ça tout en travaillant parallèlement avec le compositeur Jasper Gahunia, qui signe la trame sonore de la pièce. Il y a ce battement de cœur, dans la basse, qui arrive, et qui génère le mouvement, crée l’intensité. Pour moi, le mouvement n’est pas tant à propos de la position précise du corps, mais du sentiment qui pulse derrière.

Votre création s’intitule We Can’t Forget About What’s His Name. Qu’est-ce que ce titre évoque ?

Le titre est une question. Je veux laisser de l’espace au public, ne pas lui dicter ce qu’il a à comprendre. Ce n’est pas une pièce narrative, même s’il y a des images et des thèmes avec lesquels je joue. Ce que je veux, c’est que les spectateurs ressentent quelque chose : c’est bon, c’est mauvais ! Mon but ultime, c’est ça !

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Essence

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Ballets Jazz de Montréal

Théâtre Maisonneuve, Jusqu’au 30 septembre