La Dame aux camélias est un classique qu’on a visité et revisité à de multiples reprises, que ce soit au cinéma ou sur scène. Que reste-t-il à découvrir dans cette œuvre d’Alexandre Dumas fils, qui raconte la tragique histoire d’amour entre la courtisane Marguerite Gauthier et le jeune bourgeois Armand Duval ? La réponse : beaucoup de choses.

Le personnage de Marguerite Gauthier est si riche que le chorégraphe Peter Quanz a décidé de confier ce rôle à trois danseuses, qui illustreront trois grandes étapes dans la vie de la jeune femme.

« Il y a des êtres humains extraordinaires aux Grands Ballets Canadiens, des artistes qui ont été choisis non seulement parce qu’ils ont de belles proportions et une excellente technique, mais aussi parce qu’ils ont une grande humanité, explique le chorégraphe canadien en entrevue. J’ai donc voulu offrir le rôle extrêmement complexe de Marguerite à trois ballerines dans une seule performance afin de montrer un personnage plus étoffé, de fournir une interprétation plus profonde et de présenter à la fois une grande performance spectaculaire des Grands Ballets Canadiens et quelque chose de très intime. »

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

Le chorégraphe canadien Peter Quanz

La Dame aux camélias raconte comment Marguerite Gauthier accepte de laisser Armand Duval, un homme qu’elle aime sincèrement, pour que celui-ci puisse poursuivre son parcours dans la haute société. La courtisane succombe à la tuberculose sans pouvoir révéler à son ex-ami l’étendue de son sacrifice.

Alexandre Dumas fils s’est inspiré de sa propre histoire d’amour avec la courtisane Marie Duplessis pour écrire ce roman.

Maude Sabourin, une danseuse originaire de Terrebonne, interprétera le rôle de Marguerite dans le troisième tableau, intitulé L’abîme, alors qu’elle est très malade.

Les deux interprètes précédentes, Rachele [Buriassi] et Anya [Nesvitaylo], commencent l’aventure et moi, je la termine. Je dois donc arriver dans un état qu’elles ont déjà établi. C’est un défi, c’est assez difficile pour une interprète, mais c’est super intéressant d’approcher cette pièce de cette façon.

Maude Sabourin, danseuse originaire de Terrebonne

La danseuse doit s’imprégner de l’émotion construite par les deux autres danseuses. « Je m’en nourris pour pouvoir continuer la production, pour que cela ait du sens, pour que je sois sur la même longueur d’onde avec ce qu’elles ont fait précédemment. Ce n’est pas facile, mais en même temps, c’est inspirant. »

PHOTO SASHA ONYSCHENCKO, FOURNIE PAR LES GRANDS BALLETS CANADIENS

Maude Sabourin

Il s’agit donc d’établir une cohérence sans perdre sa personnalité.

« Nous incarnons toutes trois le même rôle, poursuit la danseuse. Il y a un certain travail d’équipe qui est fait pour qu’on soit dans la vision du chorégraphe, dans sa compréhension de l’histoire, dans ce qu’il veut aborder comme sujet. C’est quelque chose qu’on partage, mais nous avons chacune notre définition, notre interprétation, nos propres émotions qui émanent de cela. »

Se nourrir de l’actualité

Le roman d’Alexandre Dumas fils a été publié en 1848, et la responsable des costumes, Anne Armit, a voulu refléter cette époque avec des tenues très romantiques. Peter Quanz a toutefois souligné qu’il n’avait pas voulu se limiter à un seul langage de danse, le ballet classique ou romantique.

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

Les personnages d’Armand Duval (Graeme Fuhrman) et de Marguerite (Anya Nesvitaylo) dans le tableau Le sacrifice

« Je fais aussi appel au ballet contemporain, à la danse contemporaine et même à la danse chinoise. C’est une série de langages très contrastés qui montre que l’histoire est encore pertinente aujourd’hui », explique le chorégraphe.

Il y a encore du travail à faire pour assurer l’égalité pour tous, pour préserver les choix dans la vie. En cette époque où Roe c. Wade [sur le droit à l’avortement aux États-Unis] est remis en question, les droits des femmes sont d’actualité et l’histoire me semble pertinente.

Peter Quanz, chorégraphe

Peter Quanz a d’ailleurs suggéré de travailler avec des œuvres de compositrices de diverses époques, dont Lili Boulanger, Fanny Mendelssohn et Clara Schumann. C’est la cheffe Dina Gilbert qui dirigera l’orchestre des Grands Ballets.

Un langage corporel

Il s’agit d’une cinquième collaboration entre Peter Quanz et Les Grands Ballets. La première, avec un ballet appelé Kaleidoscope, a eu lieu en 2008.

« C’était la première compagnie canadienne qui m’invitait à travailler dans mon propre pays, se rappelle M. Quanz. Ça a fait en sorte que j’aime cette compagnie, que je lui suis loyal et que ça a influé sur ma façon d’interpréter l’œuvre de Dumas. »

Après une carrière de près de 25 ans en tant que chorégraphe professionnel, Peter Quanz se voit comme un artiste mature.

« Ce qui me rend le plus fier, c’est lorsque la chorégraphie et les pas que j’ai créés avec les danseurs disparaissent, lorsque cela devient simplement un langage corporel que tout le monde peut comprendre à un niveau personnel et émotionnel. Ainsi, nous passons d’un joli ballet, bien répété, à quelque chose qui touche le cœur des gens. »

À la salle Wilfrid-Pelletier de la Place des Arts, du 19 au 28 octobre

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