Le Projet Stérone présente ce dimanche Divertichiante, à la salle Claude-Léveillée de la Place des Arts. Un spectacle éclaté, à mi-chemin entre l’humour et la musique, avec un détour par la dérision, l’information et l’éducation. Parce que oui, être féministes et divertissantes, ça se peut.

C’est du moins ce qu’on retient d’un entretien animé avec les principales intéressées, à savoir Anne-Marie Dupras (humoriste, autrice et conférencière, fondatrice du projet), Andréanne Martin (musicienne) et Claudia Lopez (humoriste) en compagnie de leur metteuse en scène et complice, Judi Richards.

Ah oui, et c’est évidemment « bienvenue aux hommes », il va sans dire (mais il faut le dire quand même, au cas où).

À quoi s’attendre ? À 90 minutes chrono de numéros rythmés, alternant entre capsules vidéo (La crème L-100 Klisse), stand-up, chansons engagées (Flamenco de la fille qui a chaud, No Brabra, etc.), et faux bulletins de nouvelles. Sans oublier plusieurs rappels historiques ici et là, et une chronologie des droits des femmes si chèrement acquis. Le tout dans la légèreté et la bonne humeur, on l’aura compris.

PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE

Anne-Marie Dupras en répétition générale

« Parce qu’on ne fait pas que chialer sur ce qu’on n’a pas ! On célèbre aussi ce qu’on a ! », dit en riant Anne-Marie Dupras, qui se fait ici un devoir de rappeler aux jeunes (et moins jeunes) une histoire trop souvent tenue pour acquise, à sa manière bien à elle, « un peu chiante », mais « hyper divertissante ».

« Cessez de dire que vous vous en foutez comme de l’an 40, c’est une date trop importante ! », lance-t-elle, en référence à l’anniversaire de l’obtention du droit de vote des femmes au Québec.

Judi Richards ne s’est visiblement pas fait tordre le bras pour participer au spectacle, qui était déjà très avancé quand elle s’est jointe au groupe, fin août.

PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE

Judi Richards s’est jointe au trio pour la mise en scène.

C’est très amusant. Les spectateurs vont passer 90 minutes à être bien. À se voir, à soit rire, soit se dire : oh, elles ont osé dire ça !

Judi Richards, metteuse en scène

« C’est important que les gens sachent que ces trois femmes travaillent fort, et qu’elles ont un message à dire. » Lequel ? « Tous les travers des femmes, leur corps, leurs règles, la ménopause, comment les femmes sont perçues, comment elles veulent être vues, comment elles ne veulent plus être jugées. Surtout : comment prendre notre place et rire de nos travers. » En un mot, comment elles veulent être traitées sur un pied d’égalité. « Ce n’est rien de révolutionnaire », résume-t-elle, mais c’est « très amusant ».

PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE

Le trio en répétition générale

Devançant les prévisibles critiques, Judi Richards ajoute que non, ce message féministe n’a pas fait son temps, et qu’il faut surtout demeurer « vigilants » : « Oui, les femmes ont plein de droits. Mais nous, on voit le big picture : d’où on vient, où on va, et combien de pays reculent… »

Le Projet Stérone s’est fait connaître en 2017 avec cette vidéo devenue virale : L-100 K-lisse – La fameuse crème miracle dont TOUTES les femmes rêvent (oui, il faut prononcer le K).

Voyez la vidéo

À l’origine, le trio était composé d’Anne-Marie Dupras, Catherine Hamann et Anna Beaupré Moulounda, et elles ont fait un tabac. « Je pense que, un peu comme avec [le livre et le blogue] Ma vie amoureuse de marde, c’est l’authenticité qui marche. Les gens se reconnaissent dans quelque chose qu’on ne voit pas souvent. Elles réalisent : “OK, ce n’est pas juste moi qui suis tannée de me sentir inadéquate” », analyse avec le recul Anne-Marie Dupras.

Le trio n’a pas survécu à l’envol de la carrière de l’une ici, et la lourdeur des messages de haine (« et les menaces de mort ») reçus là. « Ça devient lourd à porter, confirme l’humoriste. Moi, ça fait longtemps que je deale avec ça. […] Je n’arrêterai pas de vivre pour ça. Il y a des femmes qui vivent des situations vraiment plus dangereuses et qui continuent de se lever le matin… »

PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE

Un numéro pour trouver un mot qui fait moins peur que « féministe »

Anne-Marie Dupras a donc évidemment voulu poursuivre le projet, en continuant de s’entourer de femmes (pour l’« ambiance différente », la complicité et la sororité). Ce sont désormais Andréanne Martin (passée par La voix il y a quelques années, dont l’imitation ici d’Édith Piaf est à couper le souffle) et l’humoriste Claudia Lopez (qui apporte une touche de diversité bienvenue) qui l’accompagnent, et qui sont toutes deux également très heureuses de porter un « message », éduquer et s’éduquer au passage.

Parlant du fameux « message » féministe, n’est-ce pas décourageant de devoir encore le répéter, en 2023 ? Du tout, rétorque sans hésiter Anne-Marie-Dupras. « Parce qu’on a tellement de plaisir à faire le spectacle ! » Et ça paraît.

29 octobre, à 14 h et à 19 h à la salle Claude-Léveillée de la Place des Arts

Consultez la page du spectacle