Le milieu du spectacle accueille avec enthousiasme la récente annonce du gouvernement prévoyant un meilleur encadrement de la revente massive de billets de spectacles.

Ce qu’il faut savoir

  • En 2012, le gouvernement du Québec a fait passer une loi interdisant la revente à un prix supérieur que celui décidé par l’organisateur d’un évènement. La loi n’encadre toutefois pas la revente entre particuliers.
  • Les sites de revente (StubHub, Billets.ca, etc.) permettent aussi la revente entre particuliers et facilitent la hausse exorbitante des prix. L’entreprise américaine Ticketmaster a un monopole sur la vente de billets et permet même la revente sur sa plateforme. Plusieurs actions collectives ont été déposées au Québec contre ces sites, notamment pour des pratiques trompeuses et déloyales.
  • Les prix des billets explosent ces dernières années, car des individus font de la revente une véritable entreprise lucrative.
  • L’ADISQ a déposé plus de 300 plaintes à l’Office de la protection du consommateur pour des vérifications sur des billets en revente sans l’autorisation des producteurs.

« On est très, très heureux de voir que le gouvernement partage notre sentiment à l’égard de la revente de billets, affirme Eve Paré, présidente de l’ADISQ, au bout du fil. Ça va prendre un bouquet de mesures. D’avoir du renfort dans ce dossier-là, c’est très bien accueilli. »

La députée caquiste de Charlevoix–Côte-de-Beaupré, Kariane Bourassa, adjointe parlementaire du ministre de la Justice, Simon Jolin-Barrette, a reçu le mandat de ce dernier, mardi, de prendre en main l’épineux dossier de la revente de billets ; elle compte en faire « une de ses priorités ». Aucun échéancier ne se dessine pour l’instant, mais « c’est quelque chose qui va se décider éventuellement ».

Pour l’instant, l’heure est à la recherche, afin de brosser un portrait plus clair de la situation en ce qui concerne les billets de spectacles que l’on trouve en revente à des prix exorbitants.

Mon mandat va être de prendre les prochaines semaines pour m’initier sur ce sujet et ensuite de voir ce qu’on peut faire, en prenant toutes les données, toutes les informations disponibles et en consultant les gens du milieu.

Kariane Bourassa, adjointe parlementaire du ministre de la Justice

Les gens du milieu, justement, en ont beaucoup à dire sur le sujet. À l’association de diffuseurs RIDEAU, qui réunit 350 salles de spectacles et festivals, on se réjouit de voir une avancée sur le plan gouvernemental, alors qu’un travail est fait depuis des années pour sensibiliser le public aux risques de la revente. « C’est un fléau qui était réservé à certaines grandes salles et aux gros artistes à une certaine époque, mais qu’on voit maintenant même chez nos membres pluridisciplinaires, dans plusieurs plus petites salles », déplore David Laferrière, président du conseil d’administration de RIDEAU. « On est heureux que de nouvelles initiatives soient prises. Ce ne sera pas simple, mais on sera là pour faciliter le travail du gouvernement. »

L’ADISQ et RIDEAU ont déjà lancé une campagne de sensibilisation pour prévenir les spectateurs des risques d’acheter par mégarde des billets sur un site de revente, à un prix beaucoup trop élevé, ou même de se procurer de faux billets par inadvertance. « L’argent payé en plus ne va pas aux artistes, rappelle David Laferrière. Et ça vient gruger dans le budget que les acheteurs réservent aux arts vivants. » De plus, si on ne passe pas par les vraies billetteries, le lien avec la salle est inexistant. « S’il y a une modification, un changement d’horaire ou si le spectacle est annulé, on ne peut même pas être en contact avec le détenteur du billet. » La solution : acheter par l’entremise du site de l’artiste ou de la salle.

S’attaquer à la revente massive

Les moyens que l’on prendra pour tenter d’endiguer ce problème n’ont pas encore été déterminés. En fait, pour la députée Kariane Bourassa, dont c’est le premier mandat, « rien n’est exclu ». « Je ne me mets pas de barrières. Est-ce que ça va passer par un projet de loi ? Est-ce que ça va être d’autres mesures ? »

Parce que la Loi sur la protection du consommateur n’encadre pas la revente entre particuliers, c’est là qu’il faudra probablement apporter des changements. Kariane Bourassa tient à préciser qu’il n’est pas question « d’empêcher une personne qui, par exemple, se blesse, ne peut plus aller à un spectacle et veut vendre son billet » de le faire.

Mais il y a des gens qui en ont fait une industrie très lucrative, qui achètent eux-mêmes ou avec des robots et qui ont le monopole de l’offre. Ça n’avantage pas les artistes, ça n’avantage pas les fans. C’est à cette catégorie-là de revente massive qu’on veut s’attaquer.

Kariane Bourassa, adjointe parlementaire du ministre de la Justice

David Laferrière convient du fait qu’il pourrait être difficile de légiférer la vente d’un bien entre deux particuliers. Pour lui, « s’assurer que les sites de revente s’identifient clairement comme tels » représenterait une bonne première étape. Il faudrait aussi éventuellement se pencher sur les moyens technologiques pour empêcher les robots informatiques de revendeurs de se procurer les billets de spectacles en masse avant que les vrais admirateurs y aient accès.

C’est la revente de billets pour l’hommage à Karl Tremblay, des Cowboys Fringants, au Centre Bell, qui a été « la goutte d’eau qui a fait déborder le vase » pour Kariane Bourassa. Plusieurs centaines de dollars étaient demandés par certains revendeurs pour des places à cet évènement commémoratif. Si bien que la conjointe du meneur du groupe, Marie-Annick Lépine, avait publié un message demandant aux admirateurs de ne pas acheter ces billets.

« C’est choquant et c’est insultant », commente la députée. La billetterie Ticketmaster, sur laquelle les places étaient vendues, est l’intermédiaire le plus utilisé pour la vente et même la revente de billets pour des évènements. Mais de nombreuses autres plateformes de revente existent.

« C’est sûr que c’est un dossier qui m’interpelle personnellement, affirme la députée. Je pense que c’est le cas de beaucoup de monde. On a tous déjà voulu avoir des billets pour un festival ou un spectacle, mais finalement, on se heurte à des places non disponibles et on voit ces mêmes places sur un site de revente, à quatre ou cinq fois le prix. »