Faut-il que le féminin pose problème pour que plusieurs chorégraphes interrogent la façon dont les jeunes femmes d'aujourd'hui vivent leur corps et sa mise en scène médiatique? Après Warning de Dave St-Pierre et Mandala Situ, voici la vision d'Erin Flynn dans La suite en temps réel.

On connaît Erin Flynn comme danseuse et assistante de la compagnie d'Isabelle Van Grimde, mais aussi comme une chorégraphe sensible qui sait créer des atmosphères oniriques. Portée par la grande diversité de son background, qui allie formation classique et expériences diverses avec des chorégraphes contemporaines, elle vit et travaille à Montréal depuis 2001. Après Alcôve, en 2006, elle revient à Tangente avec une suite de deux pièces pour filles: un solo, Le complexe de Jeanne d'Arc, et un trio, The Shallow End.

 

Erin Flynn avait au départ créé le solo pour elle, mais un changement important est survenu dans sa vie privée. Enceinte de six mois, elle a laissé Marie-Claire Forte reprendre son rôle. Pourquoi cette réflexion sur le féminin d'aujourd'hui? «Les filles du postféminisme semblent perdues, dit-elle. Dans les médias, la presse people, les relations sociales, tout leur dit que le seul pouvoir féminin est sexuel. C'est vrai pour les filles dans la vingtaine, mais c'est souvent pire chez les adolescentes. Les filles peuvent croire que leur vie et leur identité dépendent de leur pouvoir sexuel. Et comme danseuse aussi, je veux réfléchir sur la focalisation sur le corps.»

«En fait, les hommes du postféminisme n'ont plus du tout le même rapport au féminin; ils ont changé, mais les filles semblent perdues.» D'où le concept de complexe de Jeanne d'Arc? Elle explique: «Le complexe de Jeanne d'Arc est une réflexion sur le dialogue conscient et inconscient d'une femme avec sa voix intérieure. Je me réfère à Jeanne d'Arc comme à un modèle androgyne parce que j'aime le féminin androgyne, et parce que Jeanne d'Arc est connectée sur sa voix intime au-delà des préjugés sur son corps de femme.»

The Shallow End poursuit et élargit la réflexion sur le sujet en mettant en scène trois danseuses, parfois casquées de laine, hyper féminisées dans les gestes et l'habillement. Le tout prend la forme d'un documentaire qui présente une sorte de maison de poupée dont chaque fenêtre laisse observer un stéréotype du féminin. Pas de nudité ici, non, au contraire, plutôt une théâtralisation outrée des atours féminins. Et une critique de fond qui renvoie chacun, et chacune, à soi.

Cours et stages du 303

On connaît l'audace des présentations du Studio 303, mais on dit rarement que c'est aussi un des lieux les plus intéressants de Montréal qui offre au public, du niveau débutant à intermédiaire, des cours en semaine et des stages de fin de semaine, en danse contemporaine, africaine ou danse-contact... avec des chorégraphes de renom. C'est rare, car ceux-ci travaillent plutôt avec des danseurs professionnels. Programme d'hiver jusqu'à fin mars 2009 (www.studio303.ca).

Précision

Dans notre article du 31 janvier sur la venue du Ballet du Grand Théâtre de Genève, une malencontreuse formulation pouvait laisser entendre que Gradimir Pankov, directeur artistique des Grands Ballets canadiens de Montréal depuis 1999, et qui a dirigé le Ballet de Genève de 1988 à 1996, serait responsable du mauvais état de la compagnie lorsque Philippe Cohen en a repris la direction en 2003. Un rappel des dates prouve qu'il n'en est évidemment rien et il n'était pas dans notre intention de créer cette confusion.

 

À l'agenda

La série en temps réel, d'Erin Flynn, du 5 au 8 février à Tangente.

Ballet du Grand Théâtre de Genève, du 5 au 7 février au Maisonneuve.

Kiss Bill 2, de Pigeons International, du 4 au 14 février, à l'Usine C.