Samedi soir, Maqâm flamenco réunit au Théâtre Maisonneuve le célèbre oudiste et compositeur Omar Bashir, la chanteuse Farida, l'Ensemble de maqâm irakien dirigé par Mohamad Gomar, les guitaristes hongrois Turo Andras et Petz Balint ainsi que l'orchestre montréalais Okto Echo. Mais pourquoi Maqâm? Pourquoi flamenco?

Le maqâm désigne un système musical partagé par les mondes arabes, perses (iraniens) et turcs. Chacun de ces mondes concomitants a développé ses applications propres du maqâm. Plus précisément, le maqâm consiste en une organisation de l'échelle mélodique - en Occident, la gamme majeure ou les gammes mineures sont des organisations de cette échelle. Ainsi, chaque maqâm (140 en Irak) aménage les intervalles de l'échelle, prévoyant ainsi une trajectoire mélodique ouverte à l'improvisation. Le système des maqâms est comparable à celui des ragas indiens.

Concept trop abstrait? Rendez-vous à l'hôtel Europa, rue Drummond. On pénètre dans le lobby, où résonne une chaude rumba catalane... des Gipsy Kings! On assiste, en fait, à une séance d'échauffement entre deux virtuoses de la guitare flamenco, Turo Andras et Petz Balint, et leur leader, l'oudiste Omar Bashir qui vit en Hongrie depuis la première guerre d'Irak avec l'Occident, au début des années 90.

Omar Bashir est le fils de feu Munir Bashir, référence absolue de l'oud irakien contemporain.

«Je viens de la même école que mon père, amorce-t-il. Il faut reconnaître le travail de Munir Bashir en ce sens, car il a mené l'oud à l'avant de l'orchestre - avant lui, l'oud était un instrument d'accompagnement. Il a aussi refait le design de l'instrument et les réglages de l'instrument pour les solistes modernes.» On imagine bien qu'Omar Bashir en avait lourd sur les épaules pour se démarquer du paternel. «Après la mort de mon père en 1997, j'ai réussi à modifier mon style avec le temps, de manière à acquérir un style qui m'est propre. Bien sûr, le nom de mon père est un grand nomŠ si je n'avais pas été son fils (et je ne compte pas mon oncle Jamil, un autre oudiste de renom), c'aurait peut-être été plus facile. Cela étant dit, le monde arabe s'attend d'un Bashir qu'il crée du neuf.»

«Au fil du temps, raconte-t-il, j'ai écouté beaucoup de musiques du monde, musiques folkloriques ou classiques: flamenco, musique indienne, musique arabe, musique européenne. Il fut donc difficile pour moi de m'affranchir de l'influence paternelle, cela m'a pris environ 10 ans pour y parvenir.»

Omar Bashir s'est beaucoup intéressé à la fusion de l'oud irakien et de la guitare flamenco: «Certains maqâms irakiens, soutient-il, sont à l'origine du flamenco. Lorsque les Gitans ont quitté l'Inde au début de leur grande migration, ils sont passés par la Mésopotamie, ils ont repris certains maqâms dans leur musique et les ont transportés jusqu'au Maroc et en Espagne.» Et voilà l'oudiste en Hongrie. Parmi ses musiciens réguliers, on compte ces deux excellents joueurs de nuevo flamenco qui «jammaient» avec lui à l'hôtel Europa avant l'entrevue.

«Ils sont avec moi depuis 1997, je les ai formés. Je leur ai d'abord appris comment jouer la musique arabe et comment improviser. Par la suite, ils ont appris les rythmes arabes pendant que j'apprenais d'eux le flamenco et d'autres musiques latines. Pourquoi des guitaristes hongrois? Il faut se rendre compte que plusieurs virtuoses flamencos ne sont pas espagnols.» Le monde est un village, force est de déduire une fois de plus. Un jour, on ne se surprendra pas de la création d'un maqâm rigodon au FMA!

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Maqâm flamenco, le concert de clôture du Festival du monde arabe de Montréal, est présenté samedi, 20h, au Théâtre Maisonneuve.