Il serait présomptueux et prétentieux d'en parler comme de l'enfant terrible de l'humour québécois; appelons-le plutôt l'enfant tannant. L'échevelé Réal Béland, dont le seul nom évoque la plus pure et jouissive niaiserie, se donnera en spectacle au Gesù du 3 au 7 février, spectacle bigarré, voire expérimental, en forme de happening et intitulé Simplicité volontaire.

«C'est un show à moitié improvisé, mais un show sous contrôle, avec des balises», dit l'humoriste qui, avec son personnage sans âge de Monsieur Latreille, avait réussi à créer sur scène, devant public, une sorte de version psychotronique des Insolences d'un téléphone. Latreille sera d'ailleurs du spectacle, ainsi que d'autres personnages aimés de ses fans comme le King des ados ou le président de la Fédération des stickers d'avertissement (ça ne s'invente pas!). «Le début, le coeur et la fin du show sont écrits. Mais il y a beaucoup de place à l'improvisation. C'est prendre un risque, mais c'est excitant, et avec les années, j'ai développé des façons de m'en sortir quand le public ne réagit pas, ou quand il y a un malaise. En même temps, les gens sont aussi contents de me voir pédaler quand ça marche mal.»

 

Béland, humoriste dissipé mais aimable, veut un spectacle convivial, chaleureux et interactif: «Je suis un buffet chinois, on prend ce qu'on veut, il y a beaucoup de plats. J'aime surprendre. J'aime quand les gens ne savent pas du tout comment la soirée va se passer. À la limite, même mes techniciens ne savent pas toujours ce qui va arriver. Oui, j'ai un côté enfant baveux qui fait des mauvais coups. Pour moi, c'est un peu ça l'humour.»

Électron libre de notre petit univers Juste pour rire, Béland, avec quelques collaborateurs dûment choisis (son vieux complice Stéphane Lefebvre et Jean-Thomas Jobin), profite de la participation du public: «Les spectateurs, je les tiens un peu responsables du succès ou de l'échec du show. Je leur explique au début: on peut acheter un toutou au magasin, mais on peut aussi fabriquer un toutou soi-même. Alors faisons un toutou ensemble ce soir. Ce sera notre toutou!» Suivant cette envie, ce besoin et cet art d'achaler le monde pour rien, Béland se fera aussi thérapeute bidon pour les spectateurs volontaires: «Je réglerai sur place des problèmes des gens dans la salle, en téléphonant à telle ou telle personne. Par exemple, un ami qui aurait emprunté un plat de pyrex pour faire de la lasagne et qui ne l'aurait pas remis. Ça peut être n'importe quoi.»

Humour ludique

Béland, par ses folies et ses niaiseries, n'a pas l'ambition de changer l'ordre établi ou d'éveiller les consciences; son humour est ludique: «Je suis un cabotin. Mon but est de faire rire, rien d'autre. Je laisse aux journalistes le soin d'analyser ce que je fais. Analyser l'humour, je trouve ça plate. C'est comme les couleurs. Quelqu'un qui n'aime pas le bleu peut analyser le bleu chez lui pendant des heures et des semaines, il n'aimera pas plus le bleu. Rire, c'est comme un éternuement: ça ne vient pas de la tête, ça vient du corps. C'est comme un orgasme. Enfin, je vois ça comme ça», dit le comique qui, visiblement, suit davantage son instinct que son intellect pour imaginer ses blagues. Cela explique sans doute pourquoi il ne donne pas dans l'humour engagé ni dans le règlement de comptes «sous le signe de la fantaisie», façon Bye-bye. Comme modèles inspirateurs, Béland cite Claude Meunier, Andy Kaufman et Sacha Baron Cohen, des humoristes qui ne sont pas reconnus pour leurs prises de position politiques.

«On pourrait refaire à peu près les mêmes blagues pour Jean Charest qu'on faisait sur Robert Bourassa. Au fond, on ne fait que changer de tête de Turc. En humour, je pense qu'il faut être un peu plus audacieux et original. Quant au dernier Bye-bye, ce n'était peut-être pas le meilleur endroit pour prendre des risques. Mais, en même temps, on ne veut pas que l'humour devienne correct, plate et beige!»

Réal Béland, Simplicité volontaire, du 3 au 7 février, 20h, au Gesù.