D'après nos savants calculs non vérifiés par une firme de comptables agréés, plus de 225 000 personnes ont applaudi à tout rompre l'incroyable talent d'imitatrice de Véronic DiCaire, en première partie de Céline Dion, soit au Centre Bell, soit au Colisée de Québec, depuis août dernier. Et 1,5 million de gens l'ont aussi mesuré en regardant l'émission spéciale qui lui était consacrée en janvier. Pourtant, lundi, au Théâtre Saint-Denis, ce ne sera que la 12e représentation du spectacle de Véronic DiCaire. Son spectacle à elle toute seule. Et sans première partie!

On connaît un peu l'histoire: pendant qu'elle travaille à son troisième album en compagnie de Marc Dupré, Véronic DiCaire, auteure-compositrice-interprète, s'amuse à faire des imitations. Dupré, impressionné, la propose à René Angélil pour assurer la première partie des spectacles de Céline Dion au Québec. René Angélil, impressionné, accepte... et la prend même sous son aile (sa compagnie de production Feeling), convaincu que la «petite fille d'Embrun (Ontario)» fera un malheur ici, et même en Europe - et pourquoi pas aux États-Unis?

«Quand j'étais petite, moi, mon rêve, c'était d'aller en France grâce à mes albums. Finalement, je vais peut-être bien y aller, mais grâce à mes voix!» constate Véronic DiCaire, avec une réelle pointe d'émerveillement dans la gorge. Dans son spectacle solo - dont les représentations et supplémentaires ne cessent d'augmenter, elle en fait 39.

Trente-neuf voix! Ceux qui l'ont entendue imiter à merveille Ginette Reno, Édith Piaf, Madonna, Suzie Lambert, Claire Lamarche, Lynda Lemay, Céline Dion, etc., ne le savent peut-être pas, mais elle peut aussi imiter Vanessa Paradis, Véronique Sanson, France Gall et compagnie. Elle les garde pour l'Europe, pour l'instant, et se concentre plutôt sur ce qui peut séduire toute la famille, au Québec, de Marie-Élaine Thibert à Britney Spears en passant par le fameux duo Céline-Ginette Reno (Un peu plus haut, un peu plus loin)... Tout cela entrecoupé par des numéros d'humour parfois mordant et des monologues inspirés de sa vie. «Mais je n'ai pas la prétention d'être humoriste, hein! J'apprends encore à livrer les gags, et je n'en ai que plus de respect et d'admiration pour les humoristes.» Ce qui ne l'a pas empêchée de faire un malheur au Festival Juste pour rire, l'été dernier, où elle a conçu pour l'occasion un numéro qu'elle n'avait encore jamais présenté: «On aurait pu se péter la gueule, mon Dieu...»

Amour de la musique

Ce qui frappe, quand on rencontre Véronic DiCaire, c'est son amour et sa connaissance de la musique sous toutes ses coutures, son côté sympathique et chaleureux, son rire qui fuse pour un oui, un non ou même un peut-être. Et on pourrait en dire autant de Rémon Boulerice, son «agent-amant» de toujours (elle le fréquente depuis l'adolescence). La veille de l'entrevue, tous deux étaient allés voir Jason Lang en spectacle et ne tarissaient pas d'éloges sur le chanteur-guitariste québécois que pourtant peu de gens connaissent.

Céline et Véronic, même combat?

On serait évidemment tenté de dresser quelques parallèles entre la petite fille de Charlemagne, Céline Dion, et celle d'Embrun: un imprésario qui partage la vie privée, une volonté de fer, une simplicité désarmante - et surtout, la puissance et l'agilité de leurs voix. Mais la différence, entre autres, c'est que le succès frappe de plein fouet Véronic DiCaire à 32 ans. Il y avait bien eu une certaine renommée grâce à ses performances dans les comédies musicales Grease et surtout Chicago (dont six mois de représentation à Paris!). Mais côté album, par contre, c'était vraiment moins facile. Et pour dire vrai, j'ai écrit une critique assez sévère du deuxième album de la chanteuse, où elle chantait d'une belle voix (Véronic DiCaire suit toujours des cours avec le professeur de chant émérite Monique Cardinal), mais où elle tâtait de tous les genres musicaux sans se brancher.

«Pour le troisième album, explique-t-elle sans aucune acrimonie, je me dirigeais vers un disque plus country-folk, à la manière de Carrie Underwood ou de Keith Urban (deux excellents chanteurs country), parce que c'est de là que je viens musicalement. Seulement, je danse aussi, j'imite des voix aussi; comment pouvais-je tout faire rentrer dans un album? Et puis, j'atteignais les 30 ans, ça me créait pas mal de questionnements: est-ce que j'ai envie encore de faire des shows où il me faudrait dire: «Et maintenant, la prochaine chanson, c'est...»? J'ai toujours eu de la difficulté à choisir un style de musique, je suis capable de faire ci, de faire ça, du folk, du jazz... Je suis une fille de bois, moi, j'ai ma scie à chaîne et mes bottes western, mais j'aime aussi la ville. Disons que c'était la confusion.»

«Alors, on a fait une réunion dans la cuisine, enchaîne Rémon, et j'ai proposé à Véronic de concevoir le show avant, sans penser à l'enregistrement, de se laisser aller à imaginer tout ce qu'elle est capable de faire.» Des réunions dans leur cuisine ou leur auto, Véronic DiCaire et Rémon Boulerice en ont eu des notables, des inoubliables et des déterminantes, si on comprend bien leur dynamique. C'est comme ça qu'ils ont décidé de quitter leur Ontario francophone pour s'installer à Montréal («On le savait même pas, pis on a loué l'ancien appartement de Laurence Jalbert!» s'exclame Véronic) ou d'enregistrer un album («Le premier, on a commencé à y penser en 1996... et on l'a sorti en 2002», dit Rémon Boulerice).

Chanteuse, plus que jamais

Devant le succès que lui valent ses dons d'imitatrice, Véronic DiCaire se considère-t-elle toujours une chanteuse? «Plus que jamais, je n'ai jamais autant interprété de chansons de ma vie. Mais maintenant, je peux aussi danser, jouer et faire rire en plus. Et j'ai l'impression que dans la situation actuelle, où les choses ne vont pas bien, c'est parfait: moi, j'étais faite pour être une entertainer de guerre, pour faire oublier aux gens ce qui va mal, qu'ils se sentent bien et ensemble. Quoi qu'il arrive, tu sais, je reste une petite Franco-Ontarienne dont le rêve était de devenir chanteuse...»

Véronic DiCaire en spectacle, au Théâtre Saint-Denis de Montréal du 6 au 9 avril, en supplémentaire les 14, 15, 20 et 21 mai, ainsi que les 24 et 25 septembre. Également en tournée partout au Québec.