La troupe islandaise Sigur Ròs a eu l'insigne honneur d'offrir le dernier concert extérieur de la saison estivale à Montréal, samedi soir, sur l'une des plus belles scènes de la ville, celle du quai Jacques-Cartier, avec l'hôtel de ville et le profil des gratte-ciel pour décor.

La journée avait été magnifique, il n'y avait donc aucune raison pour que le ciel vienne gâcher la soirée. Il s'en est d'ailleurs abstenu, fort heureusement: quelques gouttelettes des averses annoncées ont tombé une demi-heure après le début du concert, mais c'est tout ce que nous avons eu à endurer.

Une soirée idéale, donc, bien que la performance de Sigur Ròs n'ait pas été parfaite du début à la fin. Délesté de la section de cordes que le groupe avait invitée lors de sa dernière visite à Montréal - c'était au Théâtre Maisonneuve, il y a trois ans -, le groupe devait compter sur sa dynamique particulière pour donner tout l'essor nécessaire aux chansons épiques qui font sa marque.

Or, certaines interprétations manquaient dénergie, si bien que la finale, riche et musclée, après 90 minutes de rock planant, nous a laissés un peu sur notre faim. Nous aurions aimé encore plus de chaos, plus d'audace, et certainement plus de volume!

Vers 21h, un bruit de fond émane des haut-parleurs, les musiciens prennent place sur scène pour se lancer dans la langoureuse Svefn-g-englar, la chanson qui ouvre Aegatis Byrjun, l'album (le deuxième) qui a révélé la formation. Penché vers l'avant, le maigrelet Jonsi Birgisson, leader de la formation, frotte les cordes de sa guitare électrique à l'aide de son archet, laissant filer de longues notes électriques qui partent en volutes au-dessus des harmonies du groupe.

En guise de mélodie, rarement plus qu'une ligne de basse, que quelques notes de vibraphone, mais surtout la voix de Birgisson, aiguë et juste, délicate et surréelle. Svefn-g-englar paraît tout de même engourdie; elle l'est déjà naturellement, mais il semble que le jeu d'Orri Pall Dyrason, le batteur, ne soit pas tout à fait juste, comme si ses trois confrères devaient le traîner jusqu'à la fin de la chanson.

Sigur Ròs a privilégié les chansons de son avant-dernier album, Takk, et surtout celles de Með suð í eyrum við spilum endalaust, le cinquième, tout récemment paru. Ce disque marque une certaine évolution dans le son du groupe, plus rythmé qu'avant. Sur scène, cette évolution est difficilement perceptible, comme gommée par ces compositions nettement plus contemplatives et qui ont fait la renommée des Islandais.

Ainsi, de Takk, la chanson Glósóli, lent crescendo construit sur une adorable ligne de basse, gonflée à bloc par les couches de guitares électriques qui s'entrechoquent. Il a fallu attendre encore quelques minutes avant d'entendre pour la première fois une nouvelle composition, Fljótavík, jolie et minutieuse, articulée principalement autour de la mélodie de piano.

Pendant plus d'une heure, les spectateurs se sont blottis dans les harmonies de Sigur Ròs, pourvoyeur d'une musique de confort propice au cocooning automnal, avant qu'il n'ouvre enfin les vannes en fin de parcours avec les Hafsól (la seule reprise de Von, le tout premier album du groupe), la magistrale et magistralement interprétée Popplagið puis, au rappel, la festive Gobbledigook.

Côté scénographie, Sigur Ròs n'avait rien de bien palpitant à offrir, sinon des redites de ce qu'il avait présenté lors de la précédente tournée. Or, le nouvel album portait la promesse d'un groupe revigoré par de nouvelles idées. Force est de conclure, après avoir passé tut de même une belle soirée, que ces idées ne sont pas encore sorties du studio pour être incorporées puis digérées sur scène. Faudra aller voir la prochaine fois si Sigur Ròs s'est rendu jusqu'au bout de la démarche annoncée.