Crevons l'abcès tout de suite: pourquoi Madonna s'entête-t-elle à gratter aussi souvent la guitare dans sa tournée Sticky&Sweet, quitte à massacrer ses classiques de discothèque, et à fourrer ses souliers de danse au fond du placard?

Désolé, mais les fans de la Madone ne crachent pas 400 balles pour applaudir un clone de Courtney Love qui se plante derrière un micro et qui dénature la festive Hung Up à grands coups de guitare électrique tonitruante.

Madonna attaque aussi son vieux tube Borderline armée de son instrument fétiche, le barbouillant de sons grunge qui jurent dans cet univers bonbon très festif. Même constat pour Ray of Light, un bijou d'électro-pop, que la Material Girl égratigne et transforme en complainte punk agressive.

En fait, les seules fois où la guitare de la blonde chanteuse lui sert vraiment, c'est dans les ballades plus douces comme Miles Away, Human Nature et You Must Love Me. Encore là: la caméra alimentant les écrans géants zoome régulièrement sur ses mains osseuses et décharnées, ce qui lui assène un (mini) coup de vieux.

Voilà pour les aspects négatifs. Car la reine de la pop, malgré ses prétentions de rock star et ses 50 ans bien sonnés, épate toujours sur une scène. Une vraie pro, qui sautille comme une gazelle de 25 ans, s'enroule autour d'un poteau et se trémousse aussi énergiquement que Fergie.

Devant des fans beaucoup trop sages, Madonna a démarré samedi soir la portion nord-américaine de sa flamboyante tournée Sticky&Sweet dans un aréna bondé - le Izod Center - d'East Rutherford, au New Jersey.

Moulée dans un justaucorps Givenchy en satin noir, chaussée de bottes de dominatrice sur des bas résille, Madge apparaît sur un trône, tout écartillée, comme dirait Robert Charlebois. Pas de doute: la royauté musicale débarque et les quelque 17 000 spectateurs deviendront ses humbles sujets pendant deux heures réglées au millimètre. Comme le tic-tac de l'horloge qui rythme 4 Minutes.

La chanteuse a divisé son tour de chant en quatre blocs distincts: un segment gangster pimp (réussi), un hommage au New York des années 80 (très bien exécuté), un interlude à la sauce tzigane (tranquille) et un rave du futur (festif).

Madonna ouvre sa boutique de friandises avec Candy Shop et poursuit avec la savoureuse Beat Goes On (Pharrell Williams et Kanye West y ont préenregistré leurs parties). Une rutilante Rolls Royce décapotable roule alors sur la scène. Pendant Human Nature, les écrans géants montrent Britney Spears enfermée dans un ascenseur. La vidéo se termine avec la réplique classique «it's Britney bitch!», extraite de Gimme More.

Tiens, un vieux hit: Vogue, que Madonna entrelace avec 4 Minutes. Très joli. Changement de costume pour Into The Groove, où elle porte maintenant un short très court et des chaussettes Adidas qui couvrent ses genoux. Le décor vire au jaune banane, vert pomme et rouge cerise. En superforme, Madonna exécute un impressionnant numéro de corde à danser et Into The Groove se fond naturellement dans Heartbeat. Du Madonna à son meilleur, rempli de chorégraphies entraînantes.

Devant une foule aussi peu enthousiaste, Madonna commence à s'impatienter: «Jersey, montrez-moi que vous vous amusez», crie-t-elle dans son micro. Dans la première rangée, Rosie O'Donnell s'amuse ferme.

Oh non! Madonna empoigne sa guitare pour Borderline. Heureusement, elle passe rapidement à She's Not Me, où elle arrache les costumes et perruques de quatre danseuses déguisées en... Madonna de quatre époques différentes. Beau flash.

Sur les notes de Devil Wouldn't Recognize You, la femme de Guy Richie amorce la portion tzigane/gipsy couchée sur un piano et recouverte d'une cape gothique signée Givenchy. Parenthèse, ses extravagantes tenues ont été cousues par la crème des designers, dont Miu Miu, Stella McCartney, Yves Saint-Laurent et Roberto Cavalli. Du bling et des paillettes, en voulez-vous, en voilà.

La quinquagénaire filera ensuite dans Spanish Lesson, Miles Away et La Isla Bonita (aux accents flamenco). Agacée par le manque de cris, elle sermonne encore: «Levez-vous de vos *&$% de sièges. Allez! Est-ce que je m'assois, moi?»

Arrive ensuite le controversé (et manichéen) clip où Madonna oppose les bons (mère Teresa, Bono, Bill Clinton, Nelson Mandela, Oprah Winfrey, Martin Luther King) aux méchants (Hitler, John McCain, Robert Mugabe, Kim Jong-il). Au micro, Madonna décoche ensuite plusieurs flèches à Sarah Palin, notamment en ridiculisant le bruit du moteur «de la motoneige de son mari».

Dans le dernier bloc, le party lève avec une enfilade de bombes: 4 Minutes, Like A Prayer (remixée à la sauce trance), Ray of Light (bof!), Hung Up (re-bof!) et l'explosive Give It 2 Me. «Game Over», affichent ensuite les écrans géants. Si vous craquez pour le son futuriste de Hard Candy, vous ne regretterez pas d'avoir réhypothéqué votre condo pour une paire de billets dans les rouges au Centre Bell (22 et 23 octobre): la Madone joue neuf des 12 pièces de sa dernière galette, ne laissant de côté que Voices, Dance 2Night et Incredible. Les nostalgiques déploreront la mise au rancart de plusieurs succès comme Like A Virgin, Material Girl, Cherish, Lucky Star, Live to Tell et Papa Don't Preach.

Ce n'est pas un secret, la rigide Madonna adore tout maîtriser. Il n'y a qu'à regarder ses biceps soufflés, son visage anguleux et ses jambes hyper musclées pour comprendre l'ampleur des sacrifices qu'elle s'impose. Côté professionnel, cette obsession de la perfection se traduit par des spectacles mécaniques rodés au quart de tour, sans pépin technique, mais qui souffrent d'un manque de chaleur et d'âme.

Et quand Madge s'écarte de son plan de match, ça déraille. Quelques minutes avant la tombée du rideau, la chanteuse a décidé d'entamer, comme ça, une version a cappella d'Open Your Heart. Mauvaise idée. En plus d'en oublier les paroles, la femme de Guy Richie a été incapable de terminer le morceau: «Merde, c'est bien trop haut pour moi!»

Oups!