Le Festival du monde arabe de Montréal (FMA) s'est taillé une solide réputation en mettant de l'avant des créations ouverte sur l'Autre. Voici la plus récente: ce vendredi, le Théâtre Maisonneuve sera le rendez-vous de la musique, de la spiritualité et de la transe.

La transe est un état hypnotique généré par le rythme et la répétition de phrases musicales; on associe cet état d'exaltation aux croyances mystiques, au chevauchement des esprits, au voyage de l'âme. Inhérente aux sociétés traditionnelles, la transe a disparu dans les fissures du monde contemporain. Cela étant, elle existe toujours, nous en aurons l'illustration probante au FMA.

Pour la première fois sur scène, seront réunis les Derviches tourneurs d'Alep, les formations gnawies des maîtres Abdelkader Amlil et Hassan Boussou, le groupe du chanteur sénégalais (d'allégeance soufie) Musa Dieng Kala ainsi que les chanteuses amérindiennes du groupe vocal Odaya - d'origines différentes: cries, innues, mohawks, etc.

Ainsi, des artistes issus de traditions amérindienne, africaine et arabe se découvrent dans cette île et procèdent à la fusion de musiques et danses inspirées du sacré. Plus précisément, cette initiative multiculturelle du FMA a pour objet de croiser des traditions propices à l'abandon de soi à travers la musique. Sous la direction artistique du Montréalais (d'origine iranienne) Siamak Nasr, ces «Fous de dieu» comptent nous propulser dans un autre espace-temps.

Les maîtres gnawas

Prenons pour exemple l'univers des maîtres gnawas, en spectacle mercredi au Kola Note dans le cadre du FMA. Hassan Boussou, qui vit à Lille en France, est issu d'une longue lignée de musiciens: «Lorsqu'on provient d'une famille gnawie, on est bien sûr disposé à acquérir cette connaissance ancestrale. Mais on peut aussi provenir d'une famille non musicienne pour y parvenir. D'une région à l'autre, nous jouons tous le même répertoire, c'est le même concept. Selon l'endroit ou la région (Rabat, Marrakech, Tanger, etc.) l'interprétation peut changer. Les Gnawas du Sud, par exemple, chantent souvent dans la langue berbère.

«Personnellement, lorsque je travaille en France, je fais aussi dans la fusion en m'inspirant (entre autres) du blues et du jazz. Lorsque je suis au Maroc, cependant, je me concentre sur la musique traditionnelle, en participant à diverses cérémonies où les gnawas sont impliqués.»

Boussou rappelle en outre que la musique et la danse gnawas ont acquis une réputation mondiale grâce à l'intérêt suscité auprès de la culture occidentale (Brian Jones des Stones, le pianiste Randy Weston, etc.), mais aussi grâce au festival gnawa d'Essaouira qui se tient chaque été au Maroc depuis une douzaine d'années.

Musicien et leader d'expérience, Abdelkader Amlil est considéré comme l'un des grands maîtres marocains du gambri. Pour Hassan Boussou, son collègue et aîné est l'un des principaux préservateurs du genre gnawa ; il a formé ses musiciens, on dit qu'il a un jeu très maîtrisé du gambri, instrument (à cordes) central dans la musique gnawie.

«Je suis allé sur le chemin de mes ancêtres, afin d'y alimenter une tradition très riche et qui veut évoluer à travers le regard des jeunes générations. La musique gnawa fait partie des musiques du monde, elle a sa place. L'objectif, c'est la continuation», pense Abdelkader Amlil.

Et cette continuation dont parle le maître gnawa implique la rencontre de l'Autre: «Cette expérience montréalaise avec des artistes iranien, syriens, sénégalais, marocains et amérindiens, ne peut être que bénéfique. La musique n'a pas de frontières, de telles rencontres sont toujours intéressantes. Mon parcours de musicien a été marqué par ces rencontres, j'ai toujours aimé les mener à bien.»

Ainsi, Sénégalais, Amérindiens, Gnawas et Derviches tourneurs se retrouvent sur une même plateforme d'expression afin d'accéder à des formes de musique et de spiritualité universelles, bien au-delà des croyances de chacun.

«Tous adapteront leurs chants et leurs danses pour le contexte, prédit Hassan Boussou. La spiritualité part de plusieurs axes, elle se retrouve dans la musique des peuples. Immanquablement. L'objectif est aussi de montrer que nous avons tous la transe en commun, et que la transe a aussi une fonction thérapeutique en plus d'être une manifestation mystique et musicale.»

Et comment se préparer à une telle rencontre?

«Nous avons acquis une connaissance minimale des traditions des confréries invitées à cette rencontre, explique Hassan Boussou. Chacun a fait de petites recherches de son côté. Et, depuis quelques jours, nous répétons afin que ces idées et traditions puissent se rejoindre.»

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Dans le cadre du Festival du monde arabe, la création Fous de Dieu est présentée vendredi soir, 20h, au Théâtre Maisonneuve.