Trois ans presque jour pour jour après sa dernière visite au Centre Bell, le groupe Nine Inch Nails ramenait hier soir sa petite révolution rock à Montréal, au profit de ces 8900 fans qui en ont été quittes pour une soirée brutale et vertigineusement contrastée, fameusement scénographiée.

Tonitruant, puis doucereux l'instant suivant, le temps de prendre un souffle avant de sonner la charge des guitares, Trent Reznor, le cerveau derrière Nine Inch Nails, menait ainsi son concert, comme une montagne russe. Le son, presque impeccable, perçait les tympans.

 

Hormis un passage plus calme en milieu de parcours où le groupe a donné l'impression de jammer des titres plus planants tout en faisant la démonstration de l'épatante disposition vidéo qui habillait la scène - une conception de la firme montréalaise Moment Factory -, Nine Inch Nails a donné un concert aussi puissant que celui offert en novembre 2005.

Avec le recul, ces trois années passées depuis la dernière visite de Nine Inch Nails semblent avoir été une éternité pour le monde de la musique. Voyez: en 2005, lors de la tournée Year Zero, les expériences de mise en marché de Radiohead n'avaient pas encore ébranlé les fondations du temple, et si Trent Reznor était déjà en brouille avec son label, l'idée d'offrir gratuitement sa musique en ligne ne lui était pas encore apparue comme une nécessité.

Il a lancé en ligne et à petit prix l'album d'expérimentations instrumentales Ghost I-IV en 2007. En mai dernier, Reznor cognait le grand chelem: Nine Inch Nails offrait alors gratuitement The Slip, dont les chansons justement ont servi à donner le coup d'envoi de la soirée.

Début rock et brouillon

Entrée en matière passablement échevelée, donc, hier soir, avec 1 000 000, la fracassante Letting You et le single Discipline (sur une rythmique plus groovy), histoire de rappeler la pertinence du récent album dans la discographie de NIN. Les fans ont bruyamment réagi en reconnaissant le classique March of the Pigs.

Cette première portion de concert, très rock et un peu brouillonne, s'est conclue par l'incontournable Closer et Gave Up, qui frôlait le hardcore punk. Fondu noir, foule en liesse, on réaménage la scène pour inviter Reznor et deux de ses comparses à l'avant et passer à des ambiances qui rappelaient l'histoire électro-industrielle du groupe.

Éclairages astucieux

Les éclairages, déjà très chargés, ont alors complètement transformé le décor. Il est désormais acquis que les grosses tournées s'invitent avec ces rideaux de petites lumières qui remplacent de plus en plus les écrans géants. Or, Nine Inch Nails, grâce à l'expertise de la firme Moment Factory, a su utiliser ces outils technologiques pour ouvrir de nouveaux horizons - au propre comme au figuré.

Lors du passage instrumental consacré aux chansons de Ghost I-IV, le groupe semblait jouer à l'abri d'une tempête de neige comme celle qu'on attrape à la télévision lorsque la chaîne est hors d'onde. Plus tard, dans l'épais brouillard de fréquences chaotiques, Reznor apparaît et disparaît du nuage, comme si un trou se formait, en synchronisation avec la musique. Les rideaux lumineux, disposés devant et derrière la scène, donnaient un effet de 3D qui relativise les expériences holographiques de CNN... Violente, souvent extrême, nerveuse, la musique de NIN n'est toutefois jamais gratuite, et le souci du détail visuel témoignait de l'esthétisme qui préoccupe constamment Reznor dans son oeuvre.

Après le passage instrumental, plus calme, Nine Inch Nails a ouvert les vannes jusqu'au rappel, faisant bondir les fans dès les premiers accords de Wish, jusqu'aux bombes The Hand That Feeds (comme son interprétation, le travail visuel de cette chanson était à couper le souffle!) et Head Like a Hole. Au rappel, en vrac, Reptile et Hurt (de l'album The Downward Spiral), In This Twilight...

Concert soufflant, musique irradiante, présence scénique endiablée des cinq musiciens, éléments visuels inspirés à la fine pointe de la technologie, Nine Inch Nails a encore une fois donné l'un des meilleurs concerts de la saison.