Bob Dylan vieillit bien. Tellement qu'à sa troisième visite en deux ans à Montréal, personne parmi les 6604 spectateurs rassemblés hier soir au Centre Bell n'a semblé trouver le concert redondant. Dylan et ses cinq musiciens étaient beaux à voir, énergiques, pleinement investis dans leur musique vitaminée qui a accroché un sourire à leurs fans montréalais.

Comme il y a deux ans au même Centre Bell et en juillet 2007 à Wilfrid-Pelletier, Dylan a puisé dans son répertoire juste ce qu'il fallait pour satisfaire les friands de classiques, mais il leur a aussi servi sept chansons sur 16 provenant de Love and Theft et Modern Times. Ce n'est pas un hasard. Avec ses deux derniers albums, Dylan a trouvé un nouveau souffle qui le motive plus que jamais à poursuivre sa tournée sans fin.

 

En début de programme, on a eu droit à Lay Lady Lay et Just Like a Woman, appréciées davantage pour les belles chansons qu'elles sont que pour la façon dont le chanteur atypique les a rendues. Si une poignée de spectateurs a reconnu immédiatement Just Like a Woman, ce n'est sûrement pas à cause de la voix de Dylan qui, au mieux, chantait à côté de la mélodie. Les fans ont d'ailleurs eu la bonne idée de la chanter eux aussi comme pour conjurer le sort.

Dylan le chanteur, l'harmoniciste et l'organiste, a été pas mal plus convaincant pendant les nombreuses chansons trempées dans le boogie, le blues-rock et le rockabilly. J'ai même vu His Bobness déchaîné, debout sans instrument devant son batteur, esquisser quelques pas de danse et plier les genoux pendant la rarissime This Wheel's On Fire, l'une des plus belles surprises de la soirée.

Lonesome Day Blues, qui comme Masters of War et la très belle chanson folk première époque John Brown fait référence à la guerre, valait à elle seule le prix d'entrée: un long jam torride dans lequel Dylan et ses musiciens semblaient prendre plaisir à se relancer. En passant, Wilfrid-Pelletier a beau être un peu plus intime, le rock sonne tellement mieux au Centre Bell!

Public de connaisseurs

Les spectateurs, qui connaissaient manifestement leur Dylan, ont applaudi tout autant The Levee's Gonna Break, Spirit On the Water et Thunder On the Mountain que les classiques Stuck Inside of Mobile With the Memphis Blues Again et Highway 61 Revisited. Un public réceptif, assis tout au long de la soirée sauf pour une rescapée de Woodstock qui faisait de l'expression corporelle, et dont certains éléments ont trahi leur âge en allumant des briquets pendant Like a Rolling a Stone. Cet enthousiasme palpable a semblé énergiser Dylan dont la voix a retrouvé un tonus qu'on n'espérait pas en début de concert.

C'était presque émouvant de voir l'un des rares monuments de la musique populaire encore vivants jouer de la musique de façon aussi organique, tout naturellement, sans fla-fla, sans prétention, avec une énergie qui ne se dément pas. Oui, Bob Dylan vieillit bien. L'artiste insaisissable aura réussi à échapper au dernier des stéréotypes, celui du rocker vieillissant qui n'est plus qu'une caricature de lui-même.