Neil Young, fascinant dinosaure du rock, est de passage à Montréal pour la première fois en 12 ans. Viendra-t-il avec sa super voiture électrique?

Comment va-t-il? On aurait bien aimé le lui demander. Mais Neil Young, c'est connu, n'est pas trop fort sur les entrevues. À plus forte raison quand ce n'est pas pour le magazine Rolling Stone.

 

C'est bien dommage. Le rockeur de 63 ans aurait pu nous expliquer pourquoi Montréal est si rarement sur son itinéraire de tournée. Sauf erreur, en effet, son dernier passage au Québec remonte à 1996, quand le Centre Bell s'appelait encore Molson. Le chanteur canadien venait de lancer coup sur coup l'album Broken Arrow et la bande sonore du film Dead Man, de Jim Jarmusch.

Autant dire que ça fait un siècle. Car bien de l'eau a coulé sous les ponts. Neil Young a depuis lancé huit albums - dont deux en spectacle - alternant entre l'agréable (Prairie Wind), le moyen (Silver&Gold) et le pas très bon (Are you Passionate?). Il a rejoint ses vieux potes de Crosby, Stills&Nash le temps d'un disque (oubliable Looking Forward) et d'un film (Déjà Vu), monté un concept de comédie musicale devenu un film (Greendale), été immortalisé par les réalisateurs Jim Jarmusch (The Year of the Horse) et Jonathan Demme (Heart of Gold). Enfin, petit détail: il a subi une intervention chirurgicale au cerveau à cause d'un anévrisme.

D'autres auraient probablement ralenti leurs activités. Mais Young, prolifique obsessionnel, continue de produire à un rythme soutenu, comme si sa vie en dépendait. À la fin 2007, l'auteur-compositeur a d'ailleurs lancé un nouvel album, Chrome Dreams II, prétexte à cette nouvelle tournée nord-américaine moitié acoustique, moitié électrique, qui le conduira au Centre Bell, lundi, à Ottawa, mardi, et à Toronto, jeudi.

Pourquoi Chrome Dreams II? Parce qu'officiellement, cet album se veut la suite du fameux Chrome Dreams, enregistré il y a 30 ans, mais jamais sorti. Passé maître dans l'art de redistribuer ses inédits (plusieurs titres du premier Chrome Dreams s'étaient retrouvés sur l'excellent Freedom en 1989) Young offre sur ce nouvel album, comme dans son nouveau spectacle, un mélange de chansons récentes et recyclées. L'épique Ordinary People, plat de résistance du CD (18 minutes!), avait notamment été enregistrée en 1988 avec le groupe The BlueNotes.

L'autre rêve de chrome

On pourrait débattre de l'intérêt de resservir des plats réchauffés. On pourrait aussi s'étendre sur la sortie imminente (mardi en magasin) de Sugar Mountain, réédition d'un concert folk donné en 1968 au Canterbury House de Ann Arbour, au Michigan.

Sauf qu'il y a beaucoup plus intéressant à dire au sujet de monsieur Young. On pense bien sûr à son fascinant projet de voiture électrique, qui devrait donner naissance à un documentaire et, souhaitons-le, un véritable véhicule écologique d'ici l'an prochain.

Le projet s'appelle Linc-Volt. Avec l'aide du mécanicien Jonathan Goodwin, qui a acquis une réputation nationale en retouchant l'alimentation des grosses voitures, Neil Young s'est mis en tête de transformer sa vieille Lincoln Continental Mark IV de 1959 en automobile de l'avenir. Ce modèle long de 20 pieds et lourd de 2,5 tonnes a non seulement été un flop commercial à l'époque, mais aussi un véritable désastre écologique - ce qui rend sa transformation encore plus symbolique.

La voiture devrait fonctionner au moyen d'une batterie électrique, avec moteur d'appoint au biodiésel. Dans une entrevue récente au New York Times, le chanteur explique que le poids de la Lincoln lui donnera plus d'inertie et donc plus de puissance. Selon les prévisions les plus optimistes, elle atteindra 100 milles au gallon (160 km par 3,75 litres). Young et Goodwin comptent bien en faire la preuve en 2009, puisqu'ils se sont inscrits au concours de voiture écologique lancé par la Fondation X-Prize, qui pourrait permettre au gagnant de voir sa création fabriquée à 10 000 exemplaires.

Pour Neil Young, le rêve hippie s'est ainsi transformé en rêve de chrome. Comme quoi l'énergie renouvelable peut aussi être humaine, la sienne étant aujourd'hui injectée dans le réservoir d'une vieille américaine ressuscitée. Le chanteur vivra-t-il assez longtemps pour voir son projet appliqué à grande échelle? Ça, c'est une autre question.

«Nous saurons que nous avons réussi quand un ou plusieurs constructeurs automobiles utiliseront notre technologie ou quelque chose de similaire, est-il écrit sur le site officiel de Linc-Volt. Nous saurons que nous avons réussi quand les centrales énergétiques du monde entier commenceront à utiliser des technologies propres ou d'autres technologies propres donnant des résultats comparables.»

Neil Young, au Centre Bell, le 1er décembre.