Ça prenait un duo du calibre de Sophie Cadieux et Maxim Gaudette pour rendre avec brio le caustique Après la fin, de l'Anglais Dennis Kelly. La mignonne Sophie (Louise) sait jouer les effrontées, les battantes et aussi les vulnérables, les écorchées. Quant à Maxim (Mark), il en connaît un brin sur l'art de la transformation, celui-là. Il incarne ici un grand enfant blessé, manipulateur, contrôlant, qui dit à la fille qu'il lui veut du bien. Un entraînement pour son rôle de Marc Lépine dans Polytechnique? Toujours est-il qu'ils se retrouvent tous les deux dans un bunker, au lendemain d'une attaque nucléaire. Louise était soûle la veille. C'est pourquoi elle exige que Mark lui narre à plusieurs reprises les attentats terroristes qui les ont forcés à s'isoler dans le bunker.

Maxime Dénommée (à la mise en scène) a fait le judicieux choix de saccader la pièce par une suite de scènes intenses entrecoupées de noirs. Façon de faire monter la violence entre les deux personnages par secousses toujours plus fortes, toujours plus sadiques. Il veut la priver de nourriture si elle refuse de jouer à Donjons et dragons avec elle. Elle l'accuse de s'être masturbé dans le lit de camp au-dessus d'elle. Il l'enchaîne au lit parce qu'elle refuse d'obéir à ses demandes. Elle feint la gentillesse, l'abnégation, dans le dessein d'obtenir une bouchée de riz de plus, un bout de tablette de chocolat.

 

Il y a bien entendu un message sociopolitique à retenir de tout ça. Sur l'enfermement sur soi, la peur de l'étranger, la fermeture des frontières. Dennis Kelly met dans la bouche du personnage de Mark des paroles de droite. Louise, jeune fille aux idées gauchisantes, fait contrepoids à ces points de vue esquissés de manière plutôt extrême.

Métaphore du couple, peut-être, que ce duel voué à la destruction entre un mec amouraché d'une fille qui le considère avec, au mieux, de la pitié et au pire, du mépris. Et bien sûr regard critique sur une société où la crainte du terrorisme a pu basculer dans un réflexe d'enfermement, de repli sur soi.

Une escalade vers la haine et l'inhumain, exécutée avec beaucoup de justesse par un duo de comédiens qui maîtrise bien le rythme saccadé de l'écriture de Dennis Kelly. Une descente en enfer qui a pour décor une reproduction très réaliste d'un bunker éclairé par d'angoissants néons. L'effet est réussi: on est vite gagnés par l'aliénation de ce huis clos qui, c'est sûr et certain, va finir en catastrophe. Mais on ne révèle pas le punch d'Après la fin. De toute façon, la pièce nous fait vite comprendre que la pire des terreurs est celle que l'on crée chez soi...

Après la fin, de Dennis Kelly, dans une traduction de Fanny Britt, mise en scène de Maxime Denommée, jusqu'au 22 novembre à La Licorne.