Humour désespéré et causticité sont à l'honneur dans cette nouvelle édition des Contes urbains, projet du Théâtre Urbi et Orbi, contes mis en scène par Harry Standjofski qui relèvent souvent davantage du sketch ou du monologue que de la poésie ou même du théâtre, ce qui n'est pas du tout un mal. Ces Contes urbains pourraient facilement s'ajouter au programme d'un hypothétique festival «Off Juste pour rire».

Sept historiettes, d'un comique généralement aigre-doux et chacune relatant les ennuis, soucis et aléas de la vie en ville, sont racontées par des acteurs visiblement enthousiastes et complètement offerts au jeu. Le pompon de l'humour revient, kifkif, à Emmanuel Schwartz, lisant un texte de Greg MacArthur où un jeune artiste «de la rue», qui connaît le monde des arts, s'embourbe lui-même dans une aventure absurde après avoir vu dans un journal une publicité vantant les mérites du «yoga anal», et à Marie-Ève Perron (aussi auteure de son script), accoutrée en jeune épouse ordinaire et complexée, mystérieusement souillée après un réveillon qui, on le comprendra, a très mal tourné. Troisième et dernier clou du spectacle, Didier Lucien, laissant complètement tomber ce qui est inscrit au programme (un texte signé Harry Standjofski) et se livrant à une «improvisation» délirante, clôt (ou cloue, justement) le show sous le signe du n'importe quoi, c'est-à-dire de la liberté. À moins évidemment que cela ne soit une sorte de canular...

 

Bonne note aussi à David Boutin, parfaitement convaincant dans le rôle de ce personnage de paumé (inventé par Josée Bilodeau), sorte de hère en jacket et pantalon de sport, pauvre diable qu'on devine sous l'effet de quelque stimulant plus ou moins licite et relatant un geste de courage, fait en toute bonne foi, mais aux conséquences tragiques. Boutin imite à merveille l'archétype de l'éclopé agressif mais au coeur gros, l'ex-détenu devenu poète de manière naturelle; genre de phénomène urbain qu'on ne croise que dans les bas quartiers des grandes villes.

Rire pour ne pas pleurer

Tous les comédiens sont ici d'une grande générosité: Linda Roy en jolie quarantenaire, ancienne danseuse devenue complexée, Joël Marin en loser évoquant la triste histoire d'un certain M'ssieu Douglâsse et Sébastien René, d'un straight presque terrifiant, étalant quelque sordide affaire de famille. Et, si certains textes et certaines prestations de ces nouveaux Contes urbains sombrent parfois dans le pathos et le cliché (pourquoi un conte dit urbain doit forcément mettre en scène des gens issus des milieux populaires?), l'ensemble est un divertissement qui, sans faire de pédagogie, porte à la réflexion et à l'empathie. Qui fait rire surtout, pour ne pas faire brailler. Tout cela entrecoupé des divagations musicales d'Éric Asswad aux guitares.

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Les contes urbains, mise en contes de Harry Standjofski, jusqu'au 18 décembre, à La Licorne.