Créée en 1784, la version originale de la pièce de Beaumarchais s'intitulait La folle journée ou Le mariage de Figaro. Grâce à la mise en scène très physique et enjouée de Normand Chouinard, c'est à une folle soirée que sont invités les spectateurs du Théâtre du Nouveau Monde. En plein hiver glacial, ça fait du bien...

Pour Le Mariage de Figaro, sa troisième mise en scène au TNM, Normand Chouinard s'est fait - et nous fait - grand plaisir. Il a d'abord intégré à la pièce des extraits de l'opéra de Mozart inspiré de l'oeuvre de Beaumarchais: toujours sur scène, un musicien aux allures d'Amadeus joue quelques lignes des Nozze di Figaro et ponctue musicalement les dialogues, alors que deux des figurants se révèlent de jeunes chanteurs lyriques qui soutiennent de leur voix les comédiens.

 

Ensuite, Chouinard y a ajouté des éléments comiques plus contemporains, propres au dessin animé, au vaudeville et au cinéma (notamment, une scène au ralenti proprement hilarante). Résultat? Le spectateur s'esclaffe régulièrement, mais peut également apprécier la beauté de la partition de Mozart et l'esprit vif, impertinent de Beaumarchais.

Car, après Molière et Marivaux, Beaumarchais proposait, il y a plus de deux siècles, cette pièce où l'intelligence et le burlesque font bon ménage, où le badinage et la réflexion ont chacun leur rôle à jouer. Il y est question aussi bien de la condition des femmes que de l'abus de pouvoir des êtres nés riches ou de la liberté de presse, évoquant même l'impossibilité de traiter de Mahomet dans un article, sous peine d'emprisonnement! Tout ça quelque 225 ans avant le récent scandale des caricatures de Mahomet!

Pour mieux «vendre» son message, Beaumarchais n'a pas hésité à l'époque à recourir à la forme comique la plus classique: après tout, il était horloger de métier, et il avait littéralement le sens du timing! Il y a donc des soufflets, des quiproquos, des tentures qui cachent ou révèlent, des déguisements, des revirements de situation, bref tous les éléments voulus pour faire rire en racontant les aventures de Figaro.

Ce jeune concierge veut épouser sa bien-aimée, la camériste Suzanne, que le comte Almaviva convoite aussi hélas, ce qui blesse sa femme la comtesse Rosine, bien que le page Chérubin la désire, ce qui n'empêche pas ce dernier de désirer aussi la servante Fanchette... et Suzanne! Vous suivez toujours? Alors, ajoutez-y Marceline qui veut, elle aussi, épouser Figaro - et rappelez-vous qu'il s'agit là de la suite du Barbier de Séville! Croyez-le ou non, on s'y retrouve facilement.

Car, pour défendre ce texte aux multiples intrigues et sa mise en scène très physique, Normand Chouinard s'appuie sur une distribution solide et d'égale valeur. On retiendra notamment la prestation de Normand D'Amour, qui incarne avec un plaisir manifeste le jars, le fat, bref le vaniteux comte Almaviva, et celle de Violette Chauveau, qui campe une comtesse Rosine toute en délicatesse et subtilité.

Même les rôles relativement secondaires que sont ceux de Marceline (Louise Turcot) ou Bazile (le toujours hilarant Roger LaRue) sont défendus avec piquant et vigueur. Dans le rôle de Figaro, Emmanuel Bilodeau tire bien sa carte du jeu, même s'il était un brin trop agité le soir de la représentation. En Suzanne, Bénédicte Décary (que je ne connaissais qu'au petit écran, je l'avoue) est étonnante d'aplomb.

En réduisant un peu le monologue de Figaro au cinquième acte, en ajoutant quelques lignes (hautement comiques) au rôle de Bazile et en jouant sur quelques gags visuels récurrents que ne récuserait pas Denise Filiatrault, Normand Chouinard permet au Mariage de Figaro de toucher les spectateurs d'abord en les faisant rire pour mieux les faire ensuite réfléchir.

Il offre là une pièce véritablement populaire, au sens noble du terme.

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Le mariage de Figaro de Beaumarchais, mise en scène de Normand Chouinard, présentée au Théâtre du Nouveau Monde jusqu'au 9 février, supplémentaires les 11 et 12 février.