C'est «la vraie histoire» des Lavigueur que Radio-Canada propose de découvrir avec une nouvelle série dramatique, dès le mardi 8 janvier. «Tellement de faussetés ont été dites sur eux, déplore Mario Clément, directeur de la programmation à la SRC. Comme chaîne publique, c'était notre responsabilité de les réhabiliter.»

Mais même lorsque les faits sont «rétablis», leur histoire reste rocambolesque. Improbable même. «Si on l'avait écrite, les gens l'auraient trouvé exagérée», admet le réalisateur Sylvain Archambault.

Résumons la version de Radio-Canada, tirée essentiellement de l'autobiographie qu'Yve Lavigueur a publiée en 2000.

Faubourg à m'lasse, 1985. Jean-Guy Lavigueur (surprenant Pierre Verville) perd sa femme Micheline (Amélie Grenier) puis son emploi. Sa femme, à cause d'une crise cardiaque. Son emploi, à cause de la fermeture de l'usine de la United Bedding Company, où il travaillait depuis 36 ans.

Neuf mois plus tard, toujours sans travail, le veuf analphabète devient prestataire de l'aide sociale. La même semaine, il achète un billet de 6/49 avec son beau-frère Jean-Marie (Louis Champagne), ses fils Yve et Michel (Patrice Bélanger et Dhanaé Audet-Beaulieu) et sa fille Sylvie (Sophie Cadieux).

Contrairement à son habitude, sa fille Louise (Laurence Leboeuf) n'a pas cotisé son 2$ cette fois. Elle venait de se réfugier chez son chum Johnny (David Savard), un faux dur de 32 ans qui l'incite à vendre de la drogue.

Peu après, Jean-Guy Lavigueur échappe son portefeuille sur le trottoir. Un livreur de journaux, Bill McIntyre (Brian Wright), le ramasse. Il trouve à l'intérieur le billet de loto. Un billet gagnant qui vaut 7 650 267$. Et il le ramène à Jean-Guy Lavigueur, le 1er avril.

Puis les événements se bousculent. Manipulée par son copain, Louise poursuit sa famille pour récupérer sa part du magot.

Certains médias, surtout la presse à sensation, salissent la réputation des Lavigueur. Ils reprennent notamment les allégations «non fondées» de Louise sur son père. Jean-Guy est présenté comme un agresseur et un alcoolique qui n'a jamais travaillé de sa vie.

Déjà en 1986, le Bye Bye ridiculise la famille. Le magazine Croc publiera pendant trois ans la série satirique Les Ravibreur.

«Ils étaient devenus le symbole du petit peuple qu'on méprise. On s'acharnait sur eux», indique Jacques Savoie, auteur de la série.

Voilà en somme l'histoire racontée dans les deux premiers des six épisodes d'une heure, qui seront diffusés les mardis à 21h dès le 8 janvier.

Seules libertés prises avec les faits: en réalité, Micheline Lavigueur est morte en 1983. On l'a fait mourir en 1985 pour l'intégrer au premier épisode. Aussi, les noms de certaines personnes et de certains médias ont été changés.

Aujourd'hui, les seuls Lavigueur toujours vivants sont Yve et Sylvie. Michel, le dernier à mourir, s'est suicidé en 2004. Quant à Jean-Guy, il est mort le 26 novembre 2000 des suites de troubles respiratoires.

Pour commenter les épisodes, des capsules et interviews complémentaires seront présentés en exclusivité sur le site internet de Radio-Canada après chaque épisode.

Le manoir et la station-service

L'idée de la télésérie est née en 1999 dans une station-service près de la rue Saint-Timothée, à Montréal. Yve Lavigueur y prenait un café quand la manchette d'un quotidien l'a choqué.

«Ça disait en gros: le manoir des Lavigueur et maintenant des Hells a brûlé, se souvient-il. Mais notre manoir, ça faisait déjà quelques années qu'on l'avait vendu. C'était comme si les gens cherchaient des excuses pour continuer à rire de nous.»

Un client entre payer son essence. C'est Denis Martel, producteur chez Locomotion. Il entend Yve se plaindre. Le gérant lui explique pourquoi.

Yve commence à lui parler de son projet de livre. Quelques mois plus tard, ils créent un projet de série télé avec TQS. Il avorte. L'équipe se réessaie à TVA, qui est intéressée à une adaptation en long métrage. Mais par manque de financement public, le projet échoue.

Puis l'équipe tente sa chance auprès d'une chaîne anglophone. Autre refus, sous prétexte que la série dramatique n'est pas assez drôle. Le projet tombe finalement entre les mains de Radio-Canada.

Après avoir collaboré à chaque étape de création, Yve Lavigueur semblait soulagé hier de voir le résultat final.

«Ce serait le 72e anniversaire de mon père aujourd'hui. C'est un peu un hommage à lui, cette série. Je crois qu'il serait content.»