Neuf jours après le retrait du Showbizz chaud des ondes du 98,5, en juin dernier, Érick Rémy a eu un appel de Pixcom. La boîte de production lui proposait de reprendre la même formule que son émission de radio, mais à la télé, sur les ondes de TQS.

Rémy, déçu de la mort de son show de radio, voyait dans cette proposition «une belle fenêtre» pour poursuivre ce qu'il faisait depuis quatre ans. «Mais rapidement, je me suis rendu compte qu'il n'y avait pas de moyens», raconte-t-il.

TQS était «techniquement en faillite» à l'époque. «Je me suis dit: on va partir l'émission et il y aura du renfort au fur et à mesure.»

Mais non, Érick Rémy et sa collaboratrice - et épouse - Josée Perrier doivent tenir le fort à deux. Ils travaillent sans recherchiste, sans collaborateur pour couvrir des événements, mais surtout sans budget. Il faut même trouver des photos libres de droit sur Google pour illustrer les sujets discutés en ondes. Comme il n'y a pratiquement plus de bulletins de nouvelles à TQS, la station ne peut pas fournir d'images des différents événements artistiques qui ont lieu.

«J'étais même prêt à aller filmer mes images moi-même», souligne Érick Rémy.

C'est d'ailleurs ce qu'il «teste» lors du gala des Gémeaux, quelques jours avant de rentrer officiellement en ondes. Mais l'expérience n'est pas concluante. «J'ai vu que je ne pouvais pas être au four et au moulin et en même temps.»

Économies d'échelle

Monsieur Showbizz était tourné à 14h30 au Radio Lounge, au même endroit que Le Retour de Benoît Gagnon, qui suivait en direct de 17h30 à 19h. Pourquoi? Car TQS et Pixcom voulaient maximiser le bloc de travail des techniciens, qui étaient payés pour un nombre minimum d'heures. «C'était un package deal», indique Érick Rémy.

Comme le public, l'animateur se rend à l'évidence: Monsieur Showbizz a beaucoup de lacunes et manque cruellement de rythme. «Nous ne livrions pas le produit que nous voulions livrer au départ. J'ai vécu beaucoup de déceptions, dit Érick Rémy. Ç'a été une traversée du désert.»

«L'émission a changé de format trois ou quatre fois», explique l'animateur. Dans un premier temps, exit la diffusion des appels du public comme il le faisait à la radio. Il pense alors à remplacer ce segment par des «web-questions» venant des internautes, mais «le public n'était pas prêt».

Durant l'automne, Josée Perrier est retirée des ondes. Son segment de l'émission est remplacé par une entrevue avec un artiste invité. Mais quelques semaines plus tard, les producteurs décident de revenir à l'ancienne formule. Selon Érick Rémy, c'est parce que l'émission passait du format magazine au format talk-show, ce qui représentait un manque à gagner de 50 000 $ en termes de crédit d'impôt.

Entretemps, Monsieur Showbizz a droit à un «nouveau décor chromé avec deux fauteuils rouges». «Je me suis retrouvé à faire un magazine dans un décor de talk-show», se désole le principal intéressé.

«Chaque fois que j'avais des initiatives, les portes se fermaient», souligne Érick Rémy. Il avait trouvé un correspondant à Hollywood qui demandait un petit salaire. Réponse des producteurs: non, c'est trop cher. Il a voulu insérer des extraits de chansons. Réponse: non, il faut payer les droits. «Tu ne peux pas faire de la pauvre télévision. Il y a un minimum nécessaire.»

Mais Érick Rémy insiste: il ne veut pas jouer les victimes. L'animateur de 50 ans ne se met pas la tête dans le sable. S'il se dit «content de ce qu'il a fait», il sait très bien que son émission était loin d'être parfaite. Deux semaines avant le retrait des ondes de Monsieur Showbizz, il a même dit à ses téléspectateurs: «Oui, notre décor est moche. Oui, nous devons utiliser nos propres journaux pour faire la revue de presse. Oui, nous n'avons pas de télésouffleurs. (...) Oui, nos fauteuils rouges IKEA sont laids et cheap. Oui, j'ai l'air d'une patate au four assis dans ces maudits fauteuils.»

«Il y avait quelque chose de risible, dit Érick Rémy. Mais quand on regarde quelque chose de l'extérieur et qu'on ne peut pas comprendre comment ça marche à l'intérieur, c'est facile de critiquer.»

Le lendemain de son passage à Tout le monde en parle, Érick Rémy et Josée Perrier ont annoncé les gagnants des Grammy... de l'édition précédente. C'était une erreur bête, convient-il. La pire qu'on peut faire un lendemain de gala. «On pourrait donner bien des excuses, mais ça découle directement du manque de ressources et de temps. Il n'y avait personne pour lever le flag

«Une heure de télé pour deux personnes, c'est beaucoup de responsabilité», ajoute-t-il.

Quant à la savoureuse parodie de Marc Labrèche, elle a mis Érick Rémy en furie. Il a même pensé écrire un courriel de bêtises à Radio-Canada. «Tu patines comme un malade, mais tu ne peux pas te sauver. Tu dois livrer un produit avec le bonheur et le sourire.»

Mais après coup, Érick Rémy, bon joueur, s'est rendu à l'évidence: «Quelle parodie, quel chef-d'oeuvre!»

Pendant les six mois de Monsieur Showbizz, l'animateur aurait aimé avoir des commentaires de la part de Pixcom et TQS. «Je n'ai jamais eu de critique négative ou positive», souligne-t-il.

À un moment donné, l'animateur a eu le sentiment qu'il ne pouvait faire rien de plus, mais qu'il devait remplir une case horaire. Il s'est mis à voir son travail comme un effort de guerre. «Je suis triste d'avoir eu les mains attachées comme ça. Mais je suis content de la proximité avec le public que nous avons créée.»

«Et as-tu déjà autant entendu parler d'une émission qui a duré six mois?» lance l'animateur, qui compte plus de 3800 amis sur son profil Facebook.

Continuer ou pas?

Prochaine étape pour Érick Rémy: «prendre du repos». Il souhaite éventuellement écrire la biographie de son père, Edward Rémy, cofondateur d'Échos-Vedettes. Il caresse aussi l'idée de produire un «web-talk-show».

Le 27 juin, Josée Perrier et lui célébreront leurs deux années de mariage. Si le couple est en vacances depuis deux semaines, il est toujours très occupé à la maison avec ses cinq enfants nés d'unions précédentes. Érick Rémy est par ailleurs le gérant de l'équipe de hockey de son garçon.

L'animateur dit avoir contaminé son épouse. «Il y a un Monsieur Showbizz et une Madame Showbizz à la maison», blague-t-il.

Il faut dire qu'Érick Rémy est tombé dedans quand il était petit. Bébé, il était figurant dans le téléroman Sous le signe du lion. À 8 ans, il était critique littéraire pour enfants à CKAC. Durant sa carrière, il a écrit pour plusieurs magazines, animé plusieurs émissions de radio et de télévision, dont Les fils à papa.

«Les derniers six mois m'ont fait me remettre en question, confie-t-il. Mais est-ce que je devrais continuer? La réponse est oui. Ça n'a pas été les six mois les plus brillants de ma carrière, mais je ne voudrais pas que ça occulte mes 30 ans de métier.»

En attendant, Gilligan et Les joyeux naufragés remplacent Monsieur Showbizz sur les ondes de TQS. Pour Érick Rémy, c'est paradoxal. «C'est drôle, car comme Gilligan, Josée et moi, nous nous sommes retrouvés dans un endroit après une tempête. Sans ressources.»