Véronique Cloutier venait de vivre l'échec de son talk-show à Radio-Canada. Son père avait été condamné pour agressions sexuelles sur deux mineurs. L'animatrice se demandait si sa cote de popularité, phénoménale jusque-là, était intacte. Elle a commandé, en 2006, un sondage sur la perception qu'avait d'elle le grand public. «Je vivais certaines angoisses, dit-elle. Le sondage m'a rassurée et a confirmé certains doutes que j'avais quant à l'échec de mon talk-show.» De ce sondage est né un concept d'émission, imaginé par le compagnon de Véronique Cloutier, Louis Morissette, et le réalisateur Alain Chicoine. Le verdict, c'est votre opinion, animé par celle que tout le Québec appelle Véro, confrontera différentes personnalités à l'image que s'en font les gens. Mais quel rapport la célèbre animatrice entretient-elle avec le public?

10h30

Je rencontre Véronique Cloutier près du hall de Radio-Canada, boul. René-Lévesque. Après un entretien à la radio et une séance de maquillage, elle assiste au lancement de la programmation d'été de la SRC. Depuis une demi-heure, elle enfile les entrevues à propos de son nouveau talk-show, Le verdict, c'est votre opinion. Son assistante et amie, Sandra Rossi, lui fait signe qu'il faut bientôt partir. Son émission quotidienne de radio, à Rythme FM, commence dans une heure. Le temps de prendre des nouvelles d'Emmanuel Bilodeau et de sa famille, d'échanger des plaisanteries salaces avec André Robitaille, et d'établir l'horaire de taxi des enfants avec son amoureux Louis Morissette. «Je vais aller la chercher après son cours de danse», dit ce dernier à propos de l'aînée de leurs trois enfants.

10h45

Nous cherchons une BMW grise «qui a l'air d'une Civic» dans le stationnement de Radio-Canada. Cinq minutes plus tard, départ à destination d'une banlieue cossue où l'on trouve plus d'humoristes au mètre carré que d'arbres matures. «On fait ce métier-là parce qu'on veut être connu, pour que les gens nous aiment, me dit Véronique Cloutier. Si je ne le faisais pas pour ça, j'animerais des entrevues dans mon sous-sol. Ça m'a toujours fait rire, les artistes qui disent qu'ils ne font pas ça pour être aimés et connus. C'est pas vrai. Sinon, ton album, fais-le et donne-le à tes tantes! Elles vont te dire que t'es bon et ça va te suffire. On fait ça d'abord parce que c'est une passion, mais l'amour du public, ce n'est pas un détail.»

11h25

C'est en direct de sa maison joliment décorée, loin d'être la plus tape-à-l'oeil de ce quartier nouveau riche, que Véronique Cloutier anime aujourd'hui son émission de radio, la plus populaire en son genre, en compagnie de la coanimatrice Josée Boudreault. Le temps de me présenter la gardienne de son bébé, elle grimpe à l'étage. «Je pense que mon chum a pas fait le lit!» dit-elle en fermant rapidement la porte de sa chambre.

11h35

Installée dans le vaste bureau de Louis Morissette - deux ou trois jours par semaine depuis son retour au travail en janvier -, Véro anime un talk-show de proximité, bon enfant et souriant, à son image, avec force appels d'auditrices et pièces de musique consensuelles. «Je suis overdressed, comme dirait Marc Labrèche», dit-elle en ondes, avec l'autodérision qui la caractérise, en référence à un sketch de 3600 secondes d'extase. Plus tard, elle racontera dans le menu détail sa première rencontre avec Louis Morissette. «Il était tellement romantique; il ne l'a plus été par la suite!» dit-elle en riant.

12h30

Pendant une pause, entre deux bouchées d'un menu de traiteur, Véronique me montre un croquis de John Lennon qu'elle a offert à son chum, maniaque des Beatles. Elle me raconte ses vacances en famille au Mexique, en imitant l'accent anglais de son père. Puis elle reprend le micro dans la seconde, en vraie pro, avec ce naturel désarmant qui fait tout son charme.

13h45

En voiture, direction Promenades St-Bruno, pour une session de magasinage. «Ayant grandi dans le milieu, j'en ai tellement vu, des artistes, des vedettes, dit-elle. J'en ai vu des fins et des pas fins, des prétentieux et d'autres qui étaient très reconnaissants envers le public. J'ai pu décider quelle avenue je voulais prendre. Pour moi, ça va de soi: les gens, c'est grâce à eux que je peux faire ce métier-là. Le jour où ils ne voudront plus me regarder ou m'écouter, je ne travaillerai plus. Je suis pour eux la fille qui fait partie de la famille: la cousine, la nièce, la bru. J'ai avantage à être fine, sinon les gens se sentent blessés. Je laisse toujours un bon pourboire, même si le service n'a pas été très bon. Je ne veux pas que la serveuse dise à son party de Noël que Véro est cheap et bête. Qu'on me comprenne bien: je ne me force pas. Ce n'est pas un personnage. Je suis comme ça.»

Photo François Roy, La Presse

14h

Arrivée aux Promenades St-Bruno. Je laisse Véronique et je me poste derrière un banc, où se trouvent une vieille femme et son amie. «Voyons, c'est pas la fille qui anime Paquet voleur? demande la femme. Ben oui, c'est Véro. Elle vient souvent avec ses enfants. Elle habite dans le coin. Je l'ai vue à la télé en fin de semaine. Elle connaissait toutes les chansons par coeur. Tu sais, à l'émission de Louise Beaudoin (NDLR: France Beaudoin)...»

«Elle va avoir une nouvelle émission, lui répond son amie. C'est Sébastien Benoît qui va la remplacer à Paquet voleur (NDLR: c'est plutôt Joël Legendre). En tous les cas, elle se débrouille bien. Elle est ben gentille...»

14h30

Partout, la même scène se répète. Les têtes se retournent sur son passage, à 10 m, deux par deux, manière de dire: «C'est elle, tu penses?» Une vendeuse sort d'une boutique avec sa collègue: «C'était elle, je n'ai pas halluciné!» En marchant à ses côtés, on remarque le regard plus soutenu des gens. Une question de trois ou quatre secondes. «On me dit tout le temps: «On doit vous le dire souvent que vous ressemblez à Véronique Cloutier? En plus, vous avez la même voix!»» me confie Véro. Sur un banc, un couple surveille ses jeunes enfants. La mère est voilée. Pas un regard pour cette blonde exubérante qu'ils ne connaissent ni d'Ève ni d'Adam.

Photo François Roy, La Presse

14h45

Véronique Cloutier entre dans un magasin de chaussures où elle a ses habitudes. Petites attentions du personnel. Une femme marche devant la boutique. Elle s'arrête, hésite un moment, puis revient sur ses pas. Elle feint le lèche-vitrine et regarde plus loin. C'est bien Véro. Elle repart. La boutique se remplit. «D'habitude, je me dépêche pour que mon chum ne m'attende pas trop», me lance Véronique. «Moi, je suis ma femme pour pas qu'elle dépense trop!» lui répond un client du tac au tac. «Je ne sais pas comment tu fais pour marcher dans des souliers à talons comme ça, lui dit spontanément une femme. Moi, depuis mon opération au genou, je ne suis plus capable.»

15h30

Pause-café. Discussion sur la proximité et l'authenticité, avec une fille que tout le monde appelle Véro. «Les gens ne me parlent pas comme ils parlent à Denise Bombardier. Avec moi, c'est «buddy-buddy», c'est très familier. C'est la «bine» sur l'épaule, le bras autour du cou, les becs. Tout le monde n'est pas comme ça, mais enceinte, on me touchait toujours le ventre. «Comment tu vas l'appeler? Allaites-tu?» Les gens se permettent bien des choses quand on a ce type de carrière. Quand j'ai commencé à faire ce métier, je me suis souvent répété, et ma famille me l'a aussi répété, que c'était important de rester soi-même. Il y aura toujours un décalage, c'est normal, entre ce qu'on est en public et en privé. À la télé, tu veux être au mieux de ta forme. Il y a des choses qui, publiquement, ne se disent pas. Mais je pense que l'écart entre qui je suis et ce que je projette publiquement est assez mince. Dans la vie, j'échappe parfois des sacres et j'aime bien les blagues grivoises, mais c'est à peu près tout!»

16h15

Après quelques courses - elle ne se défend pas d'être une acheteuse compulsive -, retour à la voiture à destination d'une boutique spécialisée dans les articles de cuisine, l'un de ses dadas. Il y a peu de clients et on n'a d'yeux que pour l'animatrice, qui se cherche une grande cocotte ovale. «Elle a une grosse famille!» remarque une vendeuse, qui lui raconte comment elle a raté sa dernière recette. «Je ne lui raconterais pas ça à ta place!» rétorque sa collègue. «Dans la vie, j'échappe parfois des sacres et j'aime bien les blagues grivoises, mais c'est à peu près tout!» -Véronique CloutierT'as retrouvé ta petite taille fine. T'es toute petite!» dit-elle à Véronique.

16h45

En route vers Montréal, où elle doit participer à une émission de télévision, je lui demande si elle lit les commentaires des internautes qui la concernent. Le web peut être sans pitié pour les vedettes, à une époque où leurs moindres faits et gestes sont épiés par des paparazzi amateurs. Réponse: oui, elle se «google»...

«Je lis pas mal tout ce qui s'écrit sur moi. À la longue, je me suis fait une carapace. Ce qui m'écoeure le plus, c'est de lire que je n'ai pas été gentille avec quelqu'un. Après les enregistrements de La fureur, j'ai signé des autographes tous les vendredis soir pendant cinq ans. Il y avait une table, les gens faisaient la file et je signais des photos. Je l'ai fait tout le temps, même quand j'étais malade ou pressée. Ça me fait beaucoup de peine de lire que je ne suis pas gentille. Ça m'enrage parce que c'est faux! Les gens peuvent dire qu'ils ne me trouvent pas bonne, qu'ils me voient trop partout, qu'ils haïssent mon look, que je les énerve ou que j'ai l'air prétentieuse; c'est gratuit, mais je peux vivre avec ça. Les gens ont le droit à leur opinion et ce n'est pas tout le monde qui m'aime. Il y a longtemps que j'ai compris ça. Mais dire qu'on m'a croisée au centre commercial et que je n'ai pas été polie, c'est faux!»

Le verdict, c'est votre opinion , à compter du 5 avril, 20h, à Radio-Canada.

Photo François Roy, La Presse