Les temps changent: à gauche de l'entrée principale de Radio-Canada, boulevard René-Lévesque, une immense affiche fait la promotion de trois webséries diffusées sur TOU.TV: Kali, Le stage de Kassandra et En audition avec Simon. Cette dernière série, conçue par Simon-Olivier Fecteau, vient d'ailleurs de remporter un prix Gémeaux décerné par l'Académie de la télévision qui récompense les productions web depuis 2008.

La webtélé a le vent dans les voiles, ce que confirme également le plus récent rapport Netendances sur le divertissement en ligne publié par le Centre francophone d'informatisation des organisations (CEFRIO) la semaine dernière. On y apprend que 2,8 millions de Québécois regardent des contenus vidéo en ligne et que le tiers de la population (29,7%) visionne des émissions de télé sur l'internet. Il s'agit d'une croissance de 54,7% quand on compare ces données avec celles de l'an dernier.

Malheureusement, l'étude ne distingue pas les émissions de télévision traditionnelles regardées sur l'ordinateur, le téléphone ou la tablette électronique des émissions spécifiquement conçues pour le web. Les Québécois utilisent-ils TOU.TV et l'ordinateur pour faire de la télévision de rattrapage (regarder leur émission préférée au moment qui leur convient) ou sont-ils en train de découvrir toutes ces nouvelles productions destinées aux nouveaux médias? Impossible de le savoir.

Tout comme il demeure difficile de comptabiliser les cotes d'écoute de la webtélé faute d'outil précis pour le faire. «Le nombre de clics et de téléchargements ne dit pas grand-chose, selon Jean Tourangeau, chargé de cours à l'École des médias de l'UQAM et producteur télé. Ce qu'on remarque toutefois c'est à quel point Facebook est un carrefour où les gens s'échangent des contenus vidéo et les commentent entre eux.» Facebook est selon lui LA façon de faire connaître sa websérie dans un environnement très, très diversifié. «Les gens ne vont pas sur le portail pour visionner des contenus, ils les découvrent grâce au réseau social Facebook.»

Un appel informel lancé sur Twitter confirme que bien des internautes ont découvert une websérie, québécoise ou étrangère, à la suite d'une recommandation d'ami, le bon vieux bouche-à-oreille quoi.

Que regardent-ils? Plusieurs titres sont énumérés parmi lesquels En audition avec Simon, Justin.tv, vice.com, Temps mort, Gélaté, etc.

Autre signe de la popularité grandissante de la webtélé: le lancement prévu cette semaine de 24 nouvelles chaînes sur le site YouTube. Selon le Wall Street Journal, Google, propriétaire de YouTube, s'est associé à plusieurs partenaires médias ainsi qu'à quelques vedettes (dont le créateur de CSI et la légende de skate-board Tony Hawk) pour produire des contenus originaux destinés à ces nouvelles chaînes. On apprend également que YouTube offrira une vingtaine de catégories d'émissions, dont la cuisine, la comédie et l'information. Cette réorganisation du populaire site de vidéos (au Québec, 44,6% des adultes visionnement de vidéos sur des plateformes comme YouTube, une augmentation de presque 10% avec 2010) est un autre signe que l'univers de la webtélé est en train de se structurer. Tout comme les tentatives de Google de convaincre les grands annonceurs de consacrer une part de leur budget de publicité aux contenus qui seront diffusés sur YouTube. Visiblement, on souhaite se positionner rapidement dans ce nouvel environnement en plein essor.

Au Québec comme ailleurs, toutefois, nous n'en sommes encore qu'aux balbutiements. Difficile, par exemple, d'avoir un véritable portrait d'ensemble de ce qui se produit à l'heure actuelle, tellement le milieu est effervescent et éclaté. De plus, les bons répertoires de webséries sont rares. «C'est difficile car c'est un milieu qui change beaucoup, des séries apparaissent et disparaissent», note Patrick Dion qui, jusqu'au printemps 2009, produisait le site WebTVHebdo avec Dominic Arpin. Selon Patrick Dion, les deux répertoires de webtélé les plus complets à l'heure actuelle sont www.repertoirewebtele.tv et guidekebwebtv.wordpress.com.

Sur le plan financier aussi, il s'agit d'une période-laboratoire. Les productions de grande qualité entrent à peine dans leur argent. À moyen et à long terme, il sera intéressant de voir l'impact des investissements du Fonds des médias dans ce domaine. Chose certaine, d'ici 10 ans, la webtélé occupera sans doute autant de place que la télévision traditionnelle.

Le rapport Netendance sur le divertissement en ligne est disponible à l'adresse suivante: www.cefrio.qc.ca

Montréal Digital

À compter d'aujourd'hui et jusqu'au 2 novembre se tient à Montréal l'événement Montréal Digital, un festival numérique qui regroupe une série de conférences. Au programme: le MOBIZ (tout ce qui touche la mobilité), le Web.In (une rencontre où les participants vont échanger et imaginer le web de demain), l'Atelier Innovation Cinq (où on parlera de 2D, de 3D, d'interactivité, etc.,) et le Sommet international du jeu de Montréal. Bref, l'endroit par excellence pour savoir où nous en sommes au Québec dans le domaine du numérique et surtout, pour voir ce qui s'en vient. Pour plus d'information: mtldgtl.com