L'un des bâtisseurs de la télévision québécoise, Vincent Gabriele, n'est plus. Il a succombé à un cancer foudroyant jeudi matin, a confirmé sa maison de production. Il était âgé de 68 ans.

M. Gabriele a appris il y a une semaine qu'il était en phase terminale. «Tout est allé très vite», a laissé tomber celle qui travaillait avec lui depuis près de vingt ans, Sophie Deschênes.

Producteur en télévision depuis 1988, Vincent Gabriele a fondé en 1992, avec Mme Deschênes, la boîte de production Sovimage. On lui doit plusieurs séries et émissions télévisées destinées à des créneaux variés.

«Dans l'industrie de la télévision, c'était un bonze, Vincent. C'était un mentor pour moi. J'ai été bénie des dieux de pouvoir le côtoyer», a témoigné Sophie Deschênes.

En plus d'être derrière les séries de fiction à succès comme Scoop, Diva, Tribu.com et Le Négociateur ainsi que plusieurs documentaires, dont Les grands procès et Des crimes et des hommes, Vincent Gabriele a participé à l'élaboration de la populaire série humoristique des Bleu Poudre, Taquinons la planète!.

Avant de se lancer dans la production, M. Gabriele a été directeur des programmes et vice-président à Télé-Métropole, devenue TVA depuis.

Le réseau télévisé a réagi au décès de l'un de ses artisans jeudi par voie de communiqué.

«Il est impossible de parler de télévision au Québec sans évoquer Vincent, son engagement et son amour du métier. Tout au long de sa carrière, il aura su insuffler une énergie, un dynamisme et une créativité incroyables à l'industrie qui lui en a toujours été reconnaissante» a déclaré France Lauzière, vice-présidente à la programmation de TVA.

En 2005, Vincent Gabriele recevait le Grand prix de l'Académie canadienne du cinéma et de la télévision des mains de Janette Bertrand.

Vantant le «professionnalisme» et l'«honnêteté» du producteur, la grande dame de la télévision avait affirmé que sa première rencontre avec l'homme avait été «marquante» et la confiance que ce dernier lui portait lui avait permis de porter à l'écran S.O.S. J'écoute, un concept jugé trop délicat par les hauts dirigeants de Télé-Métropole.

«Il m'a dit: «V'là le «tape', va le montrer à Radio-Québec. Eux autres, ils vont aimer ça»', ce que Janette Bertrand a fait illico. Le projet télévisé a donc finalement vu le jour chez le concurrent, avec la complicité de celui-ci.

Au fil des ans, à titre de producteur indépendant et de témoin privilégié de l'industrie de la télévision québécoise, Vincent Gabriele a su s'adapter aux changements technologiques qui ont bouleversé le paysage télévisuel. Il s'est ouvert à la nouvelle génération de réalisateurs et à sa façon de faire plutôt que de se contenter du statu quo.

«Combien de fois j'ai dit aux réalisateurs «seniors': vous êtes mieux de vous rendre compte qu'un changement est en train de s'opérer'. Leur réponse était toujours la même: «Nah, ceux qui tournent en vidéo ne font pas de la vraie télé. Ça ne nous menace pas. Résultat: la gang du vidéo a pris le dessus»', confiait-il à La Presse en 2005.

M. Gabriele faisait référence à la «nouvelle vague» de réalisateurs québécois comme Podz (19-2), Sylvain Archambault (Les Lavigueur, la vraie histoire) et autres Patrice Sauvé (Grande ourse), qui n'ont plus besoin de présentation.

«Vincent n'a jamais eu peur de prendre des risques. Il avait un don pour dégoter les nouveaux talents, et il avait un pif pour trouver les bons projets, et il avait une sensibilité... il avait le sens de la télé, en fait», a résumé Mme Deschênes.

Et il est parti comme il a vécu, a-t-elle fait valoir: «C'était un gars qui vivait à cent milles à l'heure, il m'a toujours dit: «Moi, je ne veux pas être malade longtemps, je ne veux pas souffrir'. Il n'a pas souffert longtemps. Il est parti vite; c'est du Vincent».

Vincent Gabriele laisse dans le deuil ses deux fils Stéphane et Pascal-René et ses cinq petits-enfants. Les détails entourant ses funérailles n'ont pas été précisés.