Cet automne, la télévision nous fait le cadeau de voir Sylvie Potvin dans deux séries. Reconnue pour donner du coffre à ses personnages, la comédienne rayonne dans Les Simone et Conseils de famille. Rencontre avec une comédienne qu'on ne voit pas assez souvent.

Même par un triste avant-midi de pluie, Sylvie Potvin est de bonne humeur. Elle est arrivée au Café Prague où nous avions rendez-vous en secouant son parapluie et en affichant son plus large sourire. Et pourtant, celle qui pratique le métier de comédienne depuis plus de 35 ans vivait ce jour-là un immense trac.

Elle se préparait à participer le soir même à une soirée-bénéfice au profit de la LNI. «Je suis hyper stressée, m'a-t-elle confié. On nous a dit qu'on pouvait inviter des amis, je n'ai convié personne. Je me demande si on sera encore bons, si on pourra encore jouer ensemble. Je me demande aussi si on sera encore capables d'enjamber la bande.»

Du Sylvie Potvin tout craché. Morte de trac, elle dédramatise le tout en s'imaginant à cheval sur la bande, incapable de la franchir. Cette façon de se servir de l'humour comme d'un bouclier, Sylvie Potvin l'a apprise toute jeune. Le boute-en-train de la famille, c'était elle. Elle le savait, et les autres membres du clan aussi.

Originaire du quartier de la Côte-de-Sable à Ottawa, Sylvie Potvin est débarquée à Montréal en 1979. «J'allais voir les spectacles de Ding et Dong au Club Soda. J'étais assise sur le bout de ma chaise. Intérieurement, je souhaitais qu'on m'invite à monter sur scène. Un an et demi plus tard, la vie a fait que je me suis retrouvée dans la LNI avec Serge Thériault.»

De Montréal Transport à la LNI

À son arrivée à Montréal, elle a 24 ans. «J'étais trop vieille pour l'École nationale de théâtre. C'était comme ça à l'époque. Je me suis donc inscrite à des cours privés.» Forte d'une expérience, à l'adolescence, dans le théâtre pour enfants, elle plonge tête première dans ce métier qu'elle souhaite pratiquer plus que tout au monde.

Rapidement, Sylvie Potvin tisse des liens avec d'autres comédiens. «On s'est retrouvés toute une gang de jeunes avec le désir de faire du théâtre. On voulait faire un spectacle basé sur l'écriture automatique, mais on ne savait pas comment faire. Je connaissais un peu Michel Garneau. Je suis allée le chercher. Il nous a expliqué la méthode, et on s'est lancés là-dedans.»

Ce vortex d'écriture a donné Montréal Transport, un spectacle créé en 1981 et devenu mythique pour toute une génération. «Le show a couté 2000 $, raconte-t-elle. Le décor tenait dans un sac-poubelle.» Le spectacle a été présenté à la Polonaise, au Nelson, au Clochard Céleste et en tournée au Québec.

Puis est arrivée la LNI, dont elle a fait partie pendant 20 ans, ainsi que les rôles au théâtre, à la télévision et au cinéma. La cinquantaine bien amorcée, Sylvie Potvin s'est toutefois lassée de courir après les contrats. Amoureuse des voyages, elle décide de partir en tournée avec le Cirque du Soleil. 

«Je coachais les artistes. On travaillait ensemble le côté dramatique de leur personnage. J'ai adoré faire cela.»

Au bout de quelques années de tournées, elle a eu envie de poser ses bagages. «Je me souviens d'être entrée dans une maison. Il y avait des odeurs de cuisine, ça sentait bon. Je me suis mise à pleurer. Il était temps pour moi de me fixer de nouveau.»

Agente immobilière

De retour à Montréal, elle constate que les ponts qu'elle avait construits avec le milieu ne sont plus là. «Tu sais, tout cela a la forme d'un beigne, m'explique-t-elle. Plus tu es présent, plus tu es près du centre du beigne et plus tu es en demande. Il y a très peu de comédiens qui sont dans cette situation au Québec. Plus tu t'éloignes du milieu, plus tu te retrouves sur les rebords du beigne.»

C'est alors qu'elle a l'idée de s'emparer du métier que son père a pratiqué pendant des années: agent immobilier. «J'ai fait cela pendant huit ans. Certains clients avaient peur que je ne sois pas entièrement disponible pour eux. On était deux agents. On travaillait ensemble.»

Cette situation lui a permis de vivre et de reprendre doucement contact avec le milieu de la télévision et du théâtre. C'est ainsi qu'on a pu la voir dans plusieurs saisons des Boys dans le rôle de Lisette.

Ce personnage s'ajoute aux autres qui ont connu l'empreinte de Sylvie Potvin. Cette comédienne n'endosse pas un personnage, elle se l'approprie. Sa Lisette est devenue un personnage avec une résonance très forte. Même chose pour celui de Linda dans La petite vie.

«Les gens me parlent souvent du langage de ce personnage. Je m'étais inspirée des soeurs de mon père qui parlaient une sorte de franglais. Elles venaient nous visiter et elle disaient: "C'est important, le frança. Il faut sticker su'l frança."»

«On va t'payer l'gaz!»

Cet automne, on peut voir Sylvie Potvin dans Les Simone, diffusée sur ICI Radio-Canada Télé. Même si elle n'a eu que quelques jours de tournage, Sylvie Potvin a donné beaucoup de chair à ce personnage de Louise, une mère qui a du mal à comprendre les choix de sa fille Maxim et qui manifeste maladroitement son amour.

«Je marche dans la rue et parfois les gens baissent la vitre de la voiture et me lancent: "On va t'payer l'gaz"», raconte Sylvie Potvin. Cette réplique, en apparence banale, s'est rapidement répandue dans le public. Louise l'adresse à son gendre, qui s'est investi de la mission d'aller chercher Maxim à Montréal et de la ramener à Québec. Dans ces mots, il y a le désespoir d'une mère, il y a l'incommunicabilité des parents. Il y aussi beaucoup de tendresse.

Sylvie Potvin réussit très souvent à faire passer au premier plan des personnages secondaires. Mais cela ne lui garantit pas d'engagements pour les années à venir. «Je n'ai aucune idée de ce qui m'attend en 2017», dit celle qui a tourné l'été dernier dans De père en flic 2, le prochain film d'Émile Gaudreault qui sortira en 2017.

Les jeunes comédiens qui amorcent une carrière et qui sont déjà rongés par l'incertitude devraient passer quelques heures avec Sylvie Potvin. Elle en a long à dire sur les aléas de ce métier. 

«Au Québec, les comédiens doivent être très ouverts, ils doivent savoir tout faire et ils doivent avoir une bonne santé.»

Reconnue pour ses talents de comique, Sylvie Potvin souhaiterait qu'on pense à elle plus souvent pour des personnages dramatiques. «Que voulez-vous, ce sont maintenant les producteurs et les diffuseurs qui font les castings. Ils vont toujours vers des valeurs sûres. Bref, vers les mêmes.»

La comédienne qui a eu 62 ans cette année franchit peut-être une étape cruciale. On lui confie maintenant des rôles de mère ou même de grand-mère, comme c'est le cas dans Conseils de famille, diffusée sur les ondes de Télé-Québec. En attendant les prochaines propositions, cette infatigable poursuit sa quête. «Je suis toujours à la recherche du sens des choses. Parfois, je le trouve. Et quand je le trouve, je m'empresse de le retourner comme un gant.»