Club illico et ICI Tou.tv Extra n’envisagent pas d’offrir des forfaits moins chers avec publicité. Du moins, pas tout de suite.

Alors qu’on apprenait récemment que Netflix songeait à intégrer des messages publicitaires pour réduire le prix de son abonnement mensuel, les plateformes québécoises paraissent déterminées à conserver leur modèle d’affaires initial.

En entrevue, la directrice principale, contenu et programmation, d’ICI Tou.tv, Christiane Asselin, indique qu’elle n’a pas l’intention de proposer une version plus économique de l’Extra, qui affiche le même tarif depuis son lancement en 2014, soit 6,99 $ par mois.

Je ne suis pas en train de dire que ça n’arrivera jamais, c’est une réflexion qu’on continue d’avoir, mais pour l’instant, je trouve qu’on est déjà dans une formule hybride.

Christiane Asselin, directrice principale contenu et programmation, ICI Tou.tv

ICI Tou.tv est effectivement doté d’un volet gratuit relayant essentiellement les émissions de Radio-Canada en rattrapage, en contrepartie de messages publicitaires. Pour sa part, le volet Extra contient des centaines de titres supplémentaires et propose des séries en primeur (C’est comme ça que je t’aime, La Maison-Bleue, Sans rendez-vous) bien avant qu’elles atterrissent sur ICI Télé.

Du côté du Club illico, on continue de « privilégier un modèle sans publicité » pour 15 $ par mois. Un tarif mensuel préférentiel de 10 $ est réservé aux clients de Vidéotron. Dans un message envoyé par courriel, le VP, stratégie et affaires internationales, de Québecor Contenu, Yann Paquet, souligne qu’il s’agit d’une approche « appréciée » par l’ensemble des abonnés.

Impossible de savoir si Crave prépare un plan mensuel économique recourant aux publicités. Une porte-parole de Bell Média a décliné notre demande d’entrevue, indiquant que l’entreprise n’avait « rien à ajouter/dire sur le sujet ».

Stabilité

Si Club illico et ICI Tou.tv Extra n’échafaudent pas d’option avec publicité, c’est notamment parce qu’ils n’ont pas essuyé, contrairement à Netflix, de sérieuse baisse d’abonnés. Dans son plus récent rapport, publié en avril, le géant américain a indiqué qu’il avait perdu 200 000 clients, alors qu’il prévoyait en attirer 2,5 millions nouveaux, rapporte l’Agence France-Presse.

Du surcroît, Netflix s’attend à voir son nombre d’abonnés baisser de 2 millions au cours du trimestre actuel.

Tout indique que l’arrivée de Disney+ en 2019 l’a beaucoup heurté, alors qu’au Québec, les plateformes locales semblent s’en être tirées indemnes. Selon une étude NETendances de l’ATN de l’Université Laval intitulée Portrait numérique des foyers québécois et publiée en janvier, le taux d’abonnés des internautes à Club illico (16 %) et à ICI Tou.tv Extra (9 %) est resté stable au cours des deux dernières années. Pour sa part, Crave affiche 8 %, en légère baisse par rapport à 2020, alors qu’elle rejoignait 9 % des utilisateurs québécois.

« On touche du bois, on est encore en croissance. On dirait qu’on n’a pas encore atteint de plateau. La plateforme va bien. Peut-être parce que, étant donné qu’on est au Québec, notre offre est vraiment différente. Peut-être parce qu’on offre du contenu québécois… », relève Mme Asselin.

Jusqu’à 6 $ de moins

Aux États-Unis, la plupart des plateformes de vidéo sur demande offrent déjà des forfaits économiques avec publicité. De manière générale, ces plans coûtent de 5 $ US à 6 $ US de moins par mois.

Depuis juin 2021, les clients de HBO Max (The Flight Attendant, And Just Like That…) qui n’ont pas développé d’allergie aux interruptions publicitaires peuvent débourser 9,99 $ US par mois au lieu des 14,99 $ US habituellement exigés. Chez Hulu (The Handmaid’s Tale, How I Met Your Father), c’est 6,99 $ US contre 12,99 $ US. Pour Peacock (Bel-Air, Saved by the Bell), on parle de 4,99 $ US contre 9,99 $ US, tout comme Paramount+ (The Good Fight, Star Trek : Discovery).

Soulignons que Disney a également fait part de son intention de lancer un plan avec publicité de Disney+ d’ici la fin de l’année.

Inévitable

Il ne faut pas s’étonner de voir Netflix emboîter le pas et lorgner le marché publicitaire, indique Catalina Briceño, professeure à l’École des médias de l’Université du Québec à Montréal (UQAM). La populaire plateforme, hôte de séries comme House of Cards et Stranger Things, a longtemps profité du fait qu’elle était seule (ou presque) à exploiter ce secteur. Mais ce n’est plus le cas.

Outre la logique d’un marché qui atteint une certaine maturité, le contexte économique entre aujourd’hui en ligne de compte.

La forte tendance inflationniste partout dans le monde crée un mouvement de prudence chez les consommateurs, qui sont beaucoup plus conscients ou soucieux d’épargner à l’heure actuelle.

Catalina Briceño, professeure à l’École des médias de l’UQAM

D’après Mme Briceño, les entreprises de diffusion en continu en audiovisuel devront revisiter leur modèle d’affaires au cours des prochaines années. Et particulièrement Netflix. « Contrairement à ses concurrents, Netflix ne fait pas partie d’un consortium ou d’un grand groupe intégré qui l’aide à “subventionner” ses pertes par d’autres activités. On n’a qu’à penser à Disney+, qui peut compter sur Disney et ses revenus de chaîne télé, de parcs d’attractions, de croisières, etc. »

Plans mensuels des plateformes au Québec*

Club illico 15 $ 10 $ (pour les clients de Vidéotron)

ICI Tou.tv Gratuit (avec publicité)
Extra : 6,99 $

Crave Crave Total : 19,99 $
Crave Mobile : 9,99 $

Netflix
De base : 9,99 $
Standard : 16,49 $
Premium : 20,99 $

Disney+
11,99 $

Prime Video
9,99 $
4,99 $ (pour les étudiants)

Apple TV+
5,99 $

* Tarifs mensuels, taxes non incluses