(Los Angeles) Stanley Kubrick avait dit que la trilogie culte de J. R. R. Tolkien, Le Seigneur des Anneaux, était impossible à adapter au cinéma. Difficile d’imaginer ce que le grand réalisateur aurait pensé de la nouvelle série évènement à un milliard de dollars d’Amazon, basée sur d’arides notes de bas de page publiées à la fin du troisième livre.

Le Seigneur des Anneaux : Les Anneaux de Pouvoir sort vendredi partout dans le monde sur Prime Video, la plateforme de streaming d’Amazon. La série compte capitaliser sur l’attrait toujours très fort des livres, régulièrement élus parmi les romans les plus appréciés de tous les temps, et des films oscarisés qu’en a tiré Peter Jackson.

La série est cruciale pour Amazon, qui veut exister dans les « guerres du streaming » que se livrent Netflix, Disney+ et HBO Max-cette dernière vient de lancer House of the Dragon, le préquel de Game of Thrones.

La dernière-née d’Amazon est financée par le milliardaire Jeff Bezos, fondateur du géant du commerce en ligne et grand fan de Tolkien.

Le défi est de taille : la série met en scène des héros et leurs ennemis qui ne sont qu’à peine (voire pas du tout) ébauchés dans la trilogie et ses annexes et appendices, tandis que les acteurs et les créateurs sont largement inconnus.

Installer les personnages

« C’est assez stressant, nous sommes en train de monter à partir de pas grand-chose quelque chose qui n’a jamais été vu avant », a reconnu Sophia Nomvete, qui joue la princesse Disa, la première naine noire représentée à l’écran dans le monde de Tolkien.

« Il y a clairement du stress. On veut que ce soit bien fait », a-t-elle dit à l’AFP le mois dernier.

Les Anneaux de pouvoir se déroule pendant le « Deuxième Âge » de Tolkien, en Terre du Milieu, des milliers d’années avant les évènements du « Hobbit » et du « Seigneur des Anneaux ».

Bien que quelques personnages présents dans les films de Peter Jackson apparaissent dans la nouvelle série (principalement des versions jeunes d’elfes comme Galadriel et Elrond), on n’y verra pas Frodon, Gollum ou Aragorn.

Certains personnages ont même été créés de toutes pièces pour la série.

« La saison 1, c’est vraiment pour installer les personnages et présenter de nouveaux personnages […], donner vie à un monde assez squelettique que Tolkien a juste créé dans le Deuxième Âge », explique Maxim Baldry, dont le personnage, Isildur, a été brièvement mis en scène en train de combattre Sauron dans un flash-back au début de la trilogie de Peter Jackson.

Dans la série, Maxim Baldry joue la version jeune de ce tragique héros, en deuil de sa mère, peinant à gérer la pression exercée par son père autoritaire et animé par un désir ardent d’aventure.

« Quel cadeau d’explorer les débuts de quelqu’un, découvrir de quoi cette personne est faite, comprendre qui elle est vraiment », s’est-il enthousiasmé.

Coûts mirobolants

Les créateurs de la série, Patrick McKay et J. D. Payne, avaient présenté leur concept à Amazon en 2017, avec seulement quelques projets sur leur CV.

« On voulait trouver une énorme saga tolkienienne. Et Amazon a été assez fou, de la meilleure manière qui soit, pour dire “OK, on y va” », a dit Patrick McKay lors du Comic-Con.  

À la première de la série à Londres mardi, Jeff Bezos a admis que « certaines personnes ont interrogé notre choix » de faire appel à « cette équipe relativement inconnue ».

« Mais nous y avons vu quelque chose de spécial », a-t-il dit selon le magazine Variety.

Les critiques sont pour l’instant généralement positives. Les riches costumes, les décors, les effets spéciaux et le jeu de Morfydd Clark (Galadriel) ont récolté de nombreuses louanges, même si le magazine Time a lui égratigné un spectacle « rempli de belles images et de clichés éculés ».  

La série est considérée comme la plus chère de l’histoire de la télévision.

Amazon a déboursé 250 millions de dollars pour acheter les droits, et quelque 465 millions ont été consacrés à la seule première saison. Et le groupe s’étant engagé à cinq saisons, la somme finale devrait dépasser de loin le milliard.

Ces coûts mirobolants vont de pair avec une discrétion extrême.

Les détails de l’intrigue et les critiques étaient sous strict embargo jusqu’à mercredi, soit deux jours avant le lancement de la série, et même les acteurs ne connaissaient pas le destin de leurs personnages.

« Pas la moindre idée ! Je ne sais même pas ce qui se passe la saison d’après », assure ainsi Megan Richards, qui incarne Poppy Proudfellow, une Harfoot, race ancêtre des Hobbits.