Sur papier, une série de près de cinq heures au sujet de la commission Charbonneau ne semble pas la chose la plus divertissante au monde à regarder. Erreur. Corruption : les révélations choc de la commission Charbonneau résume cet époustouflant feuilleton judiciaire avec beaucoup de mordant.

Les abonnés de Crave peuvent s’en régaler depuis des mois déjà. C’est maintenant au tour de ceux de Canal D de pouvoir revivre les moments les plus marquants de la commission Charbonneau, tenue à partir de 2012 pour faire la lumière sur la collusion dans l’attribution de contrats publics à Montréal et à Laval, l’infiltration du crime organisé dans le domaine de la construction et le financement occulte des partis politiques.

Il y a une décennie, les travaux de la Commission faisaient les manchettes presque tous les jours. C’était le cas quand les témoins, comme Lino Zambito, se mettaient à table et y allaient de révélations fracassantes. C’était aussi le cas quand ils offraient une résistance plus ou moins passive, comme Nicolo Milioto, soupçonné d’être un intermédiaire entre des entrepreneurs en construction et le clan Rizzuto, qui avait affirmé ne pas savoir ce qu’était la mafia…

On voit encore les contrecoups de la commission Charbonneau dans l’actualité récente. En juin, l’entrepreneur Tony Accurso lançait un ultime processus d’appel pour éviter la prison. La semaine dernière, l’ex-premier ministre Jean Charest défendait sa réputation, entachée selon lui par des fuites venues de l’UPAC, unité anticorruption qui a notamment enquêté sur le financement illégal des partis politiques, dont le Parti libéral.

Un découpage éclairant

La série réalisée par Sébastien Trahan compte cinq épisodes d’une heure et bénéficie d’un découpage destiné à bien guider le téléspectateur. Le crédit en revient au scénario signé par Alain Roy et André Noël, ancien journaliste à La Presse devenu enquêteur pour la commission Charbonneau, qui apparaît aussi à l’écran.

PHOTO TIRÉE DE LA SÉRIE DOCUMENTAIRE

La juge France Charbonneau revient sur les travaux de la commission d’enquête dans la série.

Chaque épisode s’attarde à un thème bien ciblé : la présence de la mafia au sein de l’industrie de la construction, le partage des contrats mis en place à Montréal, les jeux de coulisses et le copinage à la FTQ-Construction, le système de corruption à la Ville de Laval et le financement illégal des partis politiques provinciaux. Les acteurs clés de ces différents écosystèmes sont exposés, et rarement épargnés.

La série s’appuie sur des entrevues avec les figures centrales de la commission Charbonneau (notamment la juge France Charbonneau ainsi que les procureurs Sonia LeBel et Denis Gallant), plusieurs de ses enquêteurs, des journalistes qui ont creusé l’affaire et, bien sûr, des tonnes d’archives visuelles des travaux de la commission.

L’arrimage de tout ce matériel est vif et éloquent : jamais on ne se sent perdu dans les fils de ces systèmes à la fois indépendants et parallèles, même si quelques personnes semblaient mêlées à plus d’une escroquerie à la fois.

L’autre grande qualité de la série est son montage serré, qui souligne avec beaucoup de mordant les dynamiques qui s’installent avec les témoins plus difficiles et l’absurdité de certaines réponses. Plusieurs n’en sortent pas grandis. Et les réactions parfois cinglantes de la procureure Sonia LeBel (passée depuis en politique avec la CAQ) et de la juge Charbonneau s’avèrent très souvent savoureuses.

Le fait que certains des intervenants soient toujours soumis à un devoir de réserve n’est jamais un problème. Les images, ici, valent leur poids en mots et les artisans de la série ne se gênent pas pour les faire parler. Sur papier, cette série n’était peut-être pas une idée convaincante, mais à l’écran, c’est un feuilleton percutant.

Vendredi, 21 h, à Canal D