Malgré des dépenses directes de 526 millions en 2022, le nombre de tournages étrangers au Québec a connu une légère baisse au cours de la dernière année, a fait savoir le Bureau du cinéma et de la télévision du Québec (BCTQ). Une situation qu’il aimerait corriger.

Les retombées économiques des tournages étrangers au Québec sont appréciables. Après tout, les 526 millions de dépenses directes en 2022 représentent une hausse de 12 % par rapport à 2021, un sommet pour l’industrie audiovisuelle québécoise, selon les plus récentes données comptabilisées par l’organisme.

Mais ces chiffres doivent être nuancés, nous dit Christine Maestracci, présidente et directrice générale du BCTQ, car ils comprennent des tournages importants, comme Transformers : Rise of the Beasts, qui ont été réalisés en 2021, mais dont les crédits d’impôt ont été « attestés par la SODEC » en 2022.

La vérité est que le Québec compte moins de tournages en 2022 qu’en 2021 – un total de 20, dont 10 films et 10 séries.

Ce qu’on constate, c’est qu’on tourne plus de séries que de superproductions. Jusqu’à récemment, on comptait deux ou trois séries. Or, on en avait 10 l’an dernier. On espère que la série Ghost (sur CBC) va se poursuivre, qu’il y aura une saison 2 à Three Pines (Amazon), qui a été tournée en Estrie. Mais des superproductions comme Transformers, avec des budgets de plus de 100 millions, on en a moins.

Christine Maestracci, présidente et directrice générale du BCTQ

Cette stagnation – entre 20 et 25 tournages étrangers par année –, Christine Maestracci l’explique notamment par le fait qu’« une quinzaine de juridictions », au Canada comme à l’international, ont mis en place, depuis deux ou trois ans, des incitatifs fiscaux « extrêmement agressifs » qui leur permettent d’accaparer « une part importante des tournages étrangers ».

« Au Canada, il y a une vive concurrence, que ce soit en Ontario, en Alberta ou en Colombie-Britannique, mais ailleurs dans le monde aussi. À Atlanta, à Londres, à Paris, ils investissent massivement dans des infrastructures, des programmes de formation de la main-d’œuvre et dans des incitatifs fiscaux pour attirer les tournages étrangers. Sur le terrain, on le voit, on a perdu plusieurs projets cette année », constate Christine Maestracci.

La loi 96 mal comprise par Hollywood

La présidente et directrice générale du BCTQ évoque aussi l’adoption de loi 96 sur le français comme langue commune (en mai 2022), qui a été, selon elle, mal comprise par l’industrie hollywoodienne, et qui l’a sans doute fait reculer.

Selon elle, certains ont compris, à tort, qu’ils ne pouvaient pas travailler en anglais au Québec, même s’il y a eu une modification à la loi pour les productions étrangères.

C’est comme si on avait donné des arguments additionnels à d’autres juridictions, pour dire : vous savez, au Québec, on est obligé de tourner en français. Alors que c’est faux. Ça a permis à nos détracteurs de perpétuer une espèce de mythe, qu’il faut défaire tous les jours dans nos communications. Il faut constamment rassurer les producteurs pour leur dire qu’ils peuvent très bien tourner dans leur langue au Québec et qu’ils seront bien accueillis.

Christine Maestracci, présidente et directrice générale du BCTQ

Que faire dans ce cas pour regagner ces tournages ? « C’est clair qu’on a besoin d’un engagement de notre gouvernement envers le secteur de l’audiovisuel pour mettre en place des incitatifs. Il faut mettre en place des mesures financières. Il faut aussi penser à travailler en récurrence et en volume avec certains joueurs, qui seraient très heureux, parce qu’ils aiment beaucoup l’écosystème du Québec, ils aimeraient pouvoir s’installer ici et créer quelque chose de pérenne et de structurant pour l’ensemble de l’industrie. »

Les productions internationale et locale sont des vases communicants, rappelle la présidente et directrice générale du BCTQ.

« Plus on reçoit d’investissements étrangers, plus on est à même de rentabiliser et d’amortir nos infrastructures, de faire de la production virtuelle et de former des gens, insiste-t-elle. Cet écosystème fait rayonner le Québec et il faut le maintenir, il est fragile. Sinon la concurrence va faire en sorte qu’on va perdre notre main-d’œuvre spécialisée. Ils vont juste s’en aller ailleurs. Pas loin, mais à Ottawa ou Toronto. »

Le BCTQ rappelle dans son rapport que l’ensemble des secteurs combinés (tournages étrangers, production locale, animation et effets visuels) représente un volume de 2,6 milliards en dépenses directes effectuées au Québec – en hausse de 4 % par rapport à 2021. Une industrie qui emploie plus de 55 000 travailleurs. « C’est quand même pas marginal, ça a un impact important sur le PIB du Québec », estime Christine Maestracci.

L’animation en hausse

Le secteur de l’animation a connu une hausse spectaculaire en 2022. La production de services en animation a généré 329 millions en dépenses directes, une hausse de 92 % par rapport à 2021.

Parmi les productions les plus importantes, le BCTQ mentionne Teenage Mutant Ninja Turtles : Mutant Mayhem ; The Addams Family 2 ; Scoob ! Holiday Haunt ou encore Curious George.

Christine Maestracci, qui rappelle la remise prochaine des VES (Visual Effects Society) Awards récompensant les effets visuels de l’industrie cinématographique – un secteur qui a rapporté 740 millions en 2022 au Québec –, mentionne la participation de studios québécois à la production de Pinnochio ou encore Wednesday.

La production locale – nourrie en 2022 par deux nouveaux acteurs, Noovo (avec de nouvelles fictions) et Vrai (avec des séries documentaires, styles de vie et téléréalité), a connu une légère baisse, mais demeure importante (avec des dépenses directes de près de 1 milliard). « Elle est très vivante et résiliente, et il faut continuer à la faire rayonner sur la scène internationale », conclut Christine Maestracci.