Philippe Falardeau, Catherine St-Laurent, Antoine-Olivier Pilon et plusieurs autres Québécois s’envoleront vers Cannes cette semaine pour participer à Canneseries, un festival de télévision en pleine croissance qui pourrait éventuellement avoir autant d’impact qu’un certain festival de cinéma tenu au même endroit.

Présentée en parallèle du MIPTV, un important marché international d’émissions qui réunit chaque année des milliers de producteurs, diffuseurs et distributeurs des quatre coins du monde, la sixième édition de Canneseries s’ouvrira vendredi. Trois productions québécoises s’y sont taillé une place en compétition : Lac-Mégantic – ceci n’est pas un accident, une série documentaire signée Philippe Falardeau, Bon matin Chuck (ou l’art de réduire les méfaits), une comédie en 10 épisodes avec Nicolas Pinson, Marilyn Castonguay et Chantal Fontaine, et L’air d’aller, une nouvelle fiction pour jeunes adultes actuellement diffusée sur Télé-Québec.

Pour chacune des équipes finalistes, il s’agit d’une « vitrine formidable » pour attirer des acheteurs internationaux et parcourir la planète.

« Canneseries prend du galon d’année en année », observe Chrystine Girard, d’Encore Télévision, boîte montréalaise chargée d’exporter L’air d’aller. « Son tapis rose, c’est devenu un évènement. La cérémonie est diffusée sur Canal+. Ça crée un écho. Ça peut juste nous aider à vendre la série. »

Grand habitué des festivals de cinéma, qu’il fréquente depuis La moitié gauche du frigo, son premier long métrage sorti en 2000, Philippe Falardeau croit qu’il faudra patienter encore quelques années avant qu’un festival de télévision comme Canneseries rivalise avec des festivals de cinéma comme Cannes, Toronto et Venise, en matière de notoriété.

Les festivals de cinéma ont tous au moins 40 ans. Ça leur donne une renommée. Ils attirent des stars, etc. L’aura d’un festival dépend beaucoup des gens qu’il attire.

Philippe Falardeau, réalisateur

« Pour l’instant, la jeunesse des festivals de séries leur nuit, mais je n’ai pas de misère à croire qu’un jour, ils seront aussi gros », indique le réalisateur en entrevue.

Une sélection inattendue

La sélection de Lac-Mégantic – ceci n’est pas un accident a surpris Philippe Falardeau. Découpée en quatre épisodes d’une heure, la série, qui sera offerte sur Vrai au début de mai, promet de brosser un portrait inédit du drame ferroviaire de 2013 en invalidant l’hypothèse de l’évènement fortuit. « On aurait pu penser que c’était un sujet plus national, mais ça semble intéresser les Européens. »

Joint au téléphone, le directeur artistique de Canneseries, Albin Lewi, parle d’une œuvre « bouleversante » d’une « qualité exceptionnelle ». « C’est un évènement qui parle des dérives de l’ultracapitalisme en partant d’un évènement très précis et très circonstancié. »

Avant d’être présentée à Cannes, la série sera d’ailleurs montrée en primeur aux habitants de Lac-Mégantic demain soir, afin qu’ils puissent « prendre connaissance de l’œuvre », nous confirme Annie Sirois, productrice déléguée chez Trio Orange.

« Une question de survie »

Tout comme Lac-Mégantic – ceci n’est pas un accident, Bon matin Chuck (ou l’art de réduire les méfaits) sera également présentée à Canneseries avant d’être servie au grand public québécois. (Sa sortie sur Crave est prévue au mois de mai.)

Qualifiée de « série d’auteurs ovni-esque teintée d’humour noir » par Albin Lewi, cette comédie dramatique conjointement réalisée par Mathieu Cyr (Entre la mer et l’écorce) et Jean-François Rivard (C’est comme ça que je t’aime, Les invincibles) dépeint la descente aux enfers d’un animateur vedette (Nicolas Pinson) qui souffre de problèmes de consommation de drogue.

PHOTO DANNY TAILLON, FOURNIE PAR CRAVE

Nicolas Pinson et Marilyn Castonguay dans Bon matin Chuck (ou l’art de réduire les méfaits)

Pour Lou Bélanger, producteur exécutif et associé chez St-Laurent TV, boîte de production derrière Bon matin Chuck, une sélection à Canneseries revêt une importance particulière.

Avec tout le contenu d’ailleurs qui entre chez nous par Netflix et toutes les autres plateformes, on doit être capable d’exporter nos séries. Sinon, ça risque d’être problématique très bientôt. On doit trouver des moyens de faire rayonner le talent d’ici. C’est une question de survie.

Lou Bélanger, producteur exécutif et associé chez St-Laurent TV

En lice du côté des séries courtes, L’air d’aller brosse le portrait de quatre amis atteints de fibrose kystique, campés par Catherine St-Laurent, Antoine-Olivier Pilon, Noémie Leduc-Vaudry et Joakim Robillard.

Hormis Joakim Robillard, retenu au théâtre, les comédiens fouleront la Croisette pour soutenir cette production « jeunes adultes » réalisée par Sarah Pellerin. « C’est une série qui aborde la maladie avec un ton décalé hyper touchant », souligne Albin Lewi, de Canneseries.

D’après Annie Bourdeau, vice-présidente aux productions originales chez Urbania, les textes « drôles et intelligents » de l’auteur Jean-Christophe Réhel doivent avoir résonné au sein du comité de sélection. D’autant plus qu’ils traduisent une « urgence de vivre ».

« Être capable de faire rire et pleurer d’une scène à l’autre, c’est tout un défi. Et Jean-Christophe l’a relevé. C’est une histoire qui touche tout le monde. »

Outre les œuvres en compétition, Canneseries proposera cette année une classe de maître animée par l’actrice américaine Sarah Michelle Gellar (Buffy the Vampire Slayer, Cruel Intentions). Les organisateurs ont également convié Philippe Falardeau à participer à différents ateliers réservés aux professionnels de l’industrie.

L’an dernier, la série Audrey est revenue, du Club illico, s’était illustrée au festival. Elle était repartie avec deux prix.