Après presque 10 ans de gestation, la série animée basée sur la BD créée par Réal Godbout et Pierre Fournier est prête à être diffusée. Une adaptation réalisée par Martin Villeneuve (Imelda), qui a confié la voix de l’agent bourru du FBI à Benoît Brière.

Pour ceux qui ne connaissent pas l’antihéros créé par Réal Godbout et Pierre Fournier au début des années 1980, Steve « Red » Ketchup était à l’origine un personnage secondaire de la série Michel Risque, publiée dans le défunt magazine Croc.

Mais de l’aveu même de son cocréateur, Réal Godbout, Red Ketchup était tellement populaire que les deux bédéistes l’ont ressuscité dans une série (pour adultes) qui portait son nom et qui se déclinait en courtes histoires, à la manière d’un feuilleton.

L’agent du FBI, toxicomane à ses heures, avait fait l’objet d’expériences scientifiques de la part du DK pendant la guerre du Viêtnam. C’est ce qui le rendait quasi immortel, et expliquait qu’il pouvait boire du lave-glace ou de l’essence sans conséquence. Chose certaine, en neuf albums, le colosse albinos à la coupe brossée n’a jamais baissé les yeux devant un rival.

Du sang, de l’humour et un langage un brin ordurier, voilà en gros ce qui a capté l’attention du réalisateur Martin Villeneuve quand il avait 9 ou 10 ans.

PHOTO PATRICK SANFAÇON, ARCHIVES LA PRESSE

Le réalisateur Martin Villeneuve est le maître d’œuvre de l’adaptation de la série de bande dessinée Red Ketchup.

« C’était le genre de BD interdite, nous dit Martin Villeneuve. Il y avait de la nudité, de la violence, c’était assez cru. Mais comme mon père et mes frères étaient tous des amateurs de BD et qu’on était abonnés à Croc, j’ai dévoré tout ça. La facture visuelle était aussi percutante. Red Ketchup était un héros musclé qui rappelait Arnold Schwarzenegger ou Sylvester Stallone. What’s not to like ?… »

La genèse de cette adaptation est aussi intéressante que la série elle-même. Tout a commencé lors d’une soirée organisée il y a une vingtaine d’années par la maison d’édition La Pastèque – qui venait de publier les deux tomes de son photoroman Mars et Avril, que Martin Villeneuve allait plus tard adapter pour le cinéma. Ce soir-là, le jeune réalisateur lance l’idée à Réal Godbout et Pierre Fournier (qui étaient présents vu que La Pastèque a réédité leurs albums) d’adapter leur série Red Ketchup en dessin animé.

En gros, ils m’ont dit : “Tu repasseras.” Je n’étais pas le premier à le leur proposer, et je n’avais pas encore fait grand-chose… Mais quelques années plus tard, après avoir vu le film Mars et Avril [en 2012] et mon premier court métrage Imelda [en 2014], c’est eux qui m’ont relancé !

Martin Villeneuve

Passons rapidement sur le projet de long métrage mené avec Yves P. Pelletier, qui n’a pas abouti. Juste avant la pandémie, le projet d’adaptation en série animée a été proposé à Jacques Bilodeau, de Sphère Animation, qui a tout de suite mis le pied à l’étrier.

Une fois les diffuseurs embarqués – Télétoon la nuit au Québec, Adult Swim Canada pour le reste du pays –, le producteur a investi environ 9 millions de dollars pour réaliser les 20 épisodes de 30 minutes chacun. Une centaine de personnes se sont mises à l’ouvrage.

Une voix pour le colosse

L’histoire – qui se poursuit au cours des 20 épisodes – est inspirée des trois premiers albums de Red Ketchup : La vie en rouge, Kamarade Ultra et Red Ketchup contre Red Ketchup. Dans la série, on retrouvera le vilain DK (Alain Zouvi), qui tente de mettre la main sur Red Ketchup afin de poursuivre ses expériences scientifiques.

« L’objectif du DK est de cloner Red Ketchup pour en faire une armée de supersoldats et monter le Quatrième Reich de manière à diriger le monde, tout ça sur fond de guerre froide », détaille Martin Villeneuve, qui prêtera sa voix au personnage de Bill Bélisle, journaliste misanthrope en quête de sujets qui feront la une…

« En fait, il invente des histoires, mais elles finissent par se réaliser », explique Martin Villeneuve, qui a choisi de confier la voix de Red Ketchup à Benoît Brière – un habitué des doublages de dessins animés.

PHOTO MARTIN TREMBLAY, ARCHIVES LA PRESSE

Le comédien Benoît Brière sera la voix de Red Ketchup.

Le comédien d’expérience a choisi de lui donner une voix caverneuse, très rauque. « Je n’avais pas le choix, dit-il en riant, je n’ai pas du tout le physique de Red Ketchup. Et puis, quelqu’un qui carbure au pétrole, c’est sûr qu’il a une voix comme ça ! Je me suis inspiré de mon personnage de Verrue, que je joue dans Broue, qui est un itinérant un peu soûl, et que j’interprète avec une voix rauque. Mais je peux te dire qu’après deux jours de studio, j’ai la voix maganée… »

On pourra également entendre les voix de France Castel (Sally Ketchup, la sœur de Red), Gabriel Lessard (Peter Plywood, agent junior des services secrets canadiens qui accompagne Red Ketchup), Widemir Normil (chef Sullivan, le patron de Red) et Émilie Bibeau (Olga Dynamo, une espionne russe), qui doublent tous leurs personnages en « québécois ».

La série commence en Antarctique – où le FBI a envoyé son agent Red Ketchup le plus loin possible pour se débarrasser de lui – mais se transportera un peu partout dans le monde. « C’est un globe-trotter, donc on va le retrouver au Viêtnam, au Vatican, à Cuba, à Toronto… », précise Martin Villeneuve.

Si les cotes d’écoute sont au rendez-vous, une deuxième, voire une troisième saison de Red Ketchup sont tout à fait envisageables.

« Il reste six albums et Réal Godbout, qui est très en forme et qui a scénarisé l’épisode 2, travaille sur un nouvel album, donc il y a de la matière pour au moins deux autres saisons. » C’est bien ce qui inquiète Benoît Brière… « Je commence à avoir de la corne sur les cordes vocales, dit-il en riant. Donc, je suis prêt à continuer s’il le faut. »

Sur Télétoon la nuit à partir du 20 avril à 22 h. À partir du 23 avril sur Adult Swim.