Père d’un jeune homme de 18 ans, le réalisateur Manuel Foglia a donné la parole à des gars du même âge pour savoir comment ils se perçoivent et ce que c’est que d’être un homme à leurs yeux. Garçons, un film de genre montre des ados aux visions multiples, mais presque tous encore pris dans le moule du gars qui n’exprime pas ce qu’il ressent.

Le monde change, mais est-ce que les gars, eux, changent ? Ce n’est pas si clair, conclut-on en visionnant le documentaire Garçon, un film de genre, présenté ce lundi sur UnisTV. Il y en a qui osent sortir du cadre en revendiquant leur sensibilité ou une identité de genre hors norme, mais beaucoup estiment encore qu’être un homme, c’est être fort et ne pas afficher sa vulnérabilité. Ils parlent peu, pleurent seulement en cachette et beaucoup jugent qu’un vestiaire de hockey est un safe space suffisant pour exprimer ce qu’ils sont à leurs semblables.

Manuel Foglia ne tourne pas autour du pot lorsqu’on l’interroge au sujet de son film : « Je n’ai de réponse à aucune question, dit-il. Je n’ai que ce qui est là. » Il dit ça sur le ton de l’évidence : il n’est pas sociologue ni psychologue et ne prétend pas l’être. Son film sur la condition masculine vue par des adolescents, il l’a conçu à la manière d’un documentaire animalier, explique-t-il : sa caméra observe, questionne, dirige le regard, mais laisse le téléspectateur faire sens de ce qu’il voit.

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

Manuel Foglia

Je m’intéresse aux travers des garçons, à leurs spécificités, parce qu’ils sont aussi les miens et ceux de mes amis. Comment ça se fait que les hommes ne parlent pas ? Pourquoi on échange si peu sur nos désirs – pas juste sexuels – et pourquoi on ne parle pas beaucoup de choses fondamentales ? Pas autant que les femmes, en tout cas…

Manuel Foglia

Ce genre d’observations, il en fait depuis longtemps. Le modèle du mâle alpha et du macho le préoccupe (et le dérange, comprend-on) depuis l’adolescence. Plus jeune, Manuel Foglia a été victime d’intimidation.

Victime, d’une certaine manière, d’une vision étroite de la masculinité qui écrase les garçons ou les hommes qui dévient d’un modèle où le respect se gagne plus par la force que par la diplomatie et où l’agressivité a plus de valeur que la sensibilité, caractéristique associée à la féminité.

Déconstruire les stéréotypes

Garçons, un film de genre suit principalement deux classes de cinquième secondaire : l’une d’une polyvalente de Montréal, l’autre de Matane. Des élèves de ces deux classes sont engagés dans des projets artistiques dont l’objectif est d’interroger les stéréotypes qui nourrissent des biais et des préjugés dont on n’est pas nécessairement conscient. Peu à peu, ils réfléchiront autant au racisme qu’au sexisme et seront amenés à parler des relations gars-filles.

Ce détour vers l’analyse des stéréotypes désarçonne au départ, mais finit par trouver son sens dans la réflexion qu’il nourrit. Le projet collaboratif entre les deux classes permet aussi au réalisateur de filmer les élèves dans leur environnement naturel – dans ce cas-ci, une polyvalente – et de capter des scènes éloquentes : les interactions très physiques entre les garçons dans les corridors, les poignées de main complexes que les groupes d’amis s’échangent comme un code ou des commentaires très évocateurs attrapés au vol.

IMAGE TIRÉE DU DOCUMENTAIRE GARÇONS, UN FILM DE GENRE, FOURNIE PAR UNISTV

Garçons, un film de genre

En faisant visiter sa polyvalente aux élèves de Matane, un des ados montréalais signale par exemple, en passant devant le gymnase, que c’est là qu’ils ont « le plus de fun » à l’école. Un détail en apparence anodin, qui prend tout son sens quand, plus tard dans le film, on voit l’importance que le sport joue dans la socialisation des garçons et dans les valeurs – radicalement différentes – qu’ils apprennent en jouant au soccer ou au hockey.

Il est aussi intéressant de constater que le modèle du rappeur qui a de l’argent et qui fait la fête est perçu comme un modèle de réussite par des garçons de Montréal et d’échec à Matane.

Garçons, un film de genre montre à la fois l’ouverture d’esprit des adolescents et le poids de leur héritage familial. Que cette famille ait ses racines au Québec ou ailleurs ne revêt pas toujours une grande importance : peu importe leur origine, les garçons estiment qu’un homme peut être sensible, par exemple, mais ils ont tous appris à ne pas parler de leurs émotions, à encaisser et à ne pas craquer. Sauf quand ils sont seuls. Interrogé sur la notion d’espace sécuritaire, un professionnel œuvrant dans une polyvalente dit d’ailleurs que, selon lui, pour qu’un garçon s’ouvre dans un tel safe space, il faudrait qu’il n’y ait pas d’autre gars autour de lui. C’est dire…

Manuel Foglia espère faire œuvre utile avec ce film. Il croit que pour changer ce qui doit être changé chez les garçons, il faut d’abord engager la conversation avec eux. Que cette conversation ne peut pas avoir lieu sans les femmes. « C’est une responsabilité partagée, de changer les garçons », juge-t-il.

Sur UnisTV à 21 h. Ensuite sur la plateforme TV5Unis.ca.