Les apparences sont trompeuses. Ce proverbe ne s’applique pas qu’aux personnages d’Anita Rowan, qui gardent des secrets ; il vaut également pour l’auteure. Car derrière son sourire calme et réservé, se cache une battante. « Une porte, c’est fait pour qu’on frappe dessus. »

Cette assurance tranquille nous déstabilise. Et pour cause. Quelques minutes plus tôt, une fois la projection de presse des premiers épisodes de Révoltés terminée, on l’avait surprise, tapie dans l’ombre, micro fermé, en retrait du reste de l’équipe, qui prenait la pose sous les flashs des photographes.

Mais loin des projecteurs, Anita Rowan prend sa place. Elle n’a pas vraiment le choix. Comme mère d’une jeune fille autiste ayant des besoins particuliers, elle doit souvent se battre contre un système rigide qui montre ses limites chaque fois qu’une situation « sort des petites cases établies ».

C’est d’ailleurs la raison pour laquelle la prémisse des Révoltés l’a touchée aussi vivement lorsque les producteurs Fabienne Larouche et Michel Trudeau (Aetios) l’ont contactée pour sonder son intérêt.

Mettant en vedette Sarah-Jeanne Labrosse et Pier-Luc Funk, ce drame réalisé par Louis Choquette (Les bracelets rouges, Les honorables) relate les aventures d’un journaliste et d’une avocate assoiffés de justice sociale qui tentent d’aider des laissés-pour-compte des institutions : une immigrante illégale, ex-conjointe d’un homme violent, qu’on menace de renvoyer en Haïti, un patient toxicomane victime d’un traitement préjudiciable à l’hôpital, une personne itinérante, etc.

« Pour m’approprier le projet, j’ai réfléchi à tout ce que j’avais vécu avec ma fille, explique Anita Rowan. Quand je faisais ces démarches, ça m’arrivait souvent de penser : mais comment font ces parents qui n’ont pas des heures à passer au téléphone chaque jour ? Dont l’emploi ne leur permet pas d’être libérés quelques heures pour aller rencontrer des fonctionnaires ? Comment font ces gens qui n’ont pas nécessairement les sous pour débroussailler le système ? Et surtout, les gens qui n’ont pas les moyens intellectuels ? Parce qu’il faut avoir des arguments et beaucoup d’énergie pour lutter contre des personnes qui sortent leur cassette et qui refusent d’admettre que parfois, les situations sont beaucoup plus compliquées que celles qu’elles voient au quotidien. »

Persévérance

Anita Rowan raconte avoir « énormément fouillé » pour dépeindre avec justesse les enjeux d’actualité qu’elle souhaitait aborder dans Les révoltés. Autre détail à souligner : malgré ses frustrations par rapport au système, la scénariste de 44 ans n’avait pas envie d’écrire une série pessimiste et sans espoir. « Je suis une persévérante. Une porte, c’est fait pour qu’on frappe dessus. On frappe deux, trois, quatre fois, et quand personne ne répond, on s’en va ailleurs. »

PHOTO MARTIN TREMBLAY, LA PRESSE

Anita Rowan

Il ne faut pas se laisser abattre. Il suffit d’une bonne rencontre, et tout peut changer. Sur ma route, j’en croise tous les jours, du bon monde. C’est aussi ça que j’ai voulu montrer dans la série.

Anita Rowan

Fabienne Larouche et Michel Trudeau ont discuté du projet des Révoltés avec « plusieurs scénaristes » avant d’opter pour Anita Rowan. En entrevue, le tandem parle d’un choix naturel. « Anita avait cette sensibilité… Elle avait cette préoccupation sociale qu’on recherchait », souligne Fabienne Larouche.

Un moteur puissant

Diplômée de l’Université du Québec à Montréal en communication, Anita Rowan a été conceptrice, rédactrice et directrice artistique pour plusieurs agences de publicité avant d’amorcer un virage comme scénariste, au début des années 2010. Durant la dernière décennie, elle a collaboré à l’écriture de séries à succès comme O’, Les Parent, Une autre histoire et L’échappée.

En entrevue, elle déclare qu’elle n’a jamais envisagé d’écrire une série – ou même une intrigue – inspirée du parcours parsemé d’embûches qu’elle poursuit avec Béatrice, sa fille aujourd’hui âgée de 13 ans.

« J’ai une certaine pudeur par rapport à tout, indique celle qui n’avait jusqu’ici jamais abordé publiquement sa réalité familiale. Mais chose certaine, c’est un moteur puissant. C’est la raison pour laquelle j’écris pour gagner ma vie. »

« Ma persévérance, le feu qui m’habite, cette volonté de travailler fort, même dans des conditions difficiles, à des heures où tout le monde dort, c’est pour pouvoir accompagner ma fille. […] Mon travail de scénariste a été une bénédiction, parce qu’il m’a permis d’être présente pour [elle], d’aller aux multiples rendez-vous, la thérapie au quotidien. Elle avait tellement besoin de moi que je n’aurais jamais pu occuper un emploi de 9 à 5 dans un bureau. »

Bien qu’elle mette en doute la pertinence d’aborder sa situation par l’entremise d’une fiction (« Pour moi, ce n’est pas nécessairement digne d’intérêt », avoue-t-elle), Anita Rowan admet, après quelques secondes de réflexion, le pouvoir de sensibilisation du petit écran. Elle salue d’ailleurs l’existence d’Autiste, bientôt majeur, cette série documentaire produite par Charles Lafortune qui expose le parcours du combattant de parents d’enfants qui, comme son titre l’indique, requièrent des soins spéciaux.

« Quand l’émission est sortie, dans les jours suivants, j’ai tout de suite remarqué un changement. Les gens regardaient ma fille différemment. Les gens me regardaient différemment. Ils avaient une meilleure compréhension. »

Poupées russes

Les révoltés n’est pas l’unique offrande d’Anita Rowan à bénéficier d’une vitrine cet automne. Sortie en janvier dernier sur ICI Tou.tv Extra, la minisérie Les yeux fermés, avec Magalie Lépine-Blondeau, sera diffusée sur ICI Télé à compter du mois prochain. Réalisé par Jeanne Leblanc (5e Rang), ce drame psychologique relate la quête d’une femme qui cherche à élucider la mort d’un être cher, survenue 27 ans plus tôt.

PHOTO ERIC MYRE, FOURNIE PAR RADIO-CANADA

Magalie Lépine-Blondeau dans Les yeux fermés

Comme Les révoltés, Les yeux fermés met en scène plusieurs protagonistes qu’on peut qualifier de « poupées russes », qui dégagent une première (et peut-être même une deuxième, une troisième…) impression erronée.

« Ça représente la nature humaine, observe Anita Rowan. On est des êtres compliqués avec plusieurs facettes. Et comme téléspectatrice, j’aime qu’on m’amène en voyage. Je n’ai pas envie de tout deviner au début. »

Les révoltés est offerte sur Club illico. Deux nouveaux épisodes atterrissent en ligne chaque jeudi. Les yeux fermés sera présentée sur ICI Télé les mercredis à 21 h à compter du 25 octobre.